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fait pour cette cause tant d’efforts et de sacrifices ? Nul ne le prétendait. Cependant, en reconnaissant la succession féminine, la France ne s’était pas seulement exposée, par le mariage de la reine Isabelle, à voir une famille nouvelle, hostile peut-être, s’asseoir sur ce trône si voisin ; elle était, par l’appui qu’elle avait prêté au nouvel ordre de choses, indirectement responsable des dangereux changemens qu’il pourrait entraîner, et elle aggravait encore cette responsabilité en refusant ses jeunes princes au vœu et aux offres de la cour d’Espagne. La situation donnée, aucun cabinet français, je pense, n’aurait pu laisser jour par jour grandir un pareil péril sous ses yeux sans essayer de le prévenir ou de le combattre. Que devaient faire les deux gouvernemens de France et d’Angleterre, complètement unis sur l’ensemble de leur politique, mais complètement séparés encore sur la question qui pouvait tout compromettre ? Poursuivraient-ils dans l’ombre le résultat que chacun avait en vue, au risque de se trouver subitement précipités dans le plus grave conflit ? Chercheraient-ils, là comme ailleurs, à restreindre le terrain de la divergence inévitable, et à s’établir fermement sur celui d’une honorable conciliation ? Pas plus que le roi, M. Guizot ne voulait la seule combinaison qui inquiétât le gouvernement anglais. Pas plus qu’eux, lord Aberdeen ne souhaitait le succès de la seule candidature qui excitât notre sérieuse inquiétude, celle du prince Léopold de Cobourg. On examina la question avec soin, sous toutes ses faces, dans un esprit de sage appréciation des difficultés diverses ; on convint, non sans peine, de s’entendre franchement, en engageant l’appui combiné des deux cours à Madrid pour la candidature exclusive des princes descendans de Philippe V.

À peine le croira-t-on un jour, en adoptant hautement ce principe, qui avant tout excluait nos propres princes et ne garantissait que l’ordre de succession déjà établi, le gouvernement français fut accusé de mettre en avant une prétention excessive, de porter atteinte à l’indépendance de la reine d’Espagne. Il y avait alors huit princes, tous très jeunes, placés dans cette catégorie : trois infans fils de don Carlos, deux infans fils de don François de Paule, deux princes de Naples, et l’infant fils du duc de Lucques. Au risque de voir se perdre la qualité royale de leurs descendans, les princesses, comme les princes, sont condamnées, en fait de mariage, à des choix très restreints. Surviennent encore les obstacles créés par la religion, par les considérations internationales. Quelle princesse d’Angleterre, obligée de choisir parmi les princes protestans, quelle princesse de France ou de Russie, soumise à des restrictions correspondantes, a pu voir désigner à son choix, par la politique, plus de huit partis parfaitement sortables,-de son âge et de sa condition ?