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de stériles négociations, la reine Christine et les cortès étaient pressées d’en finir.

La candidature du prince de Cobourg devenait de plus en plus menaçante. Une portion de sa famille, un parti considérable en Espagne et l’habile représentant de l’Angleterre à Madrid s’y ralliaient plus ou moins ouvertement. La reine-mère elle-même, lasse des refus persistans de la cour de France, faisait offrir au duc régnant de Cobourg la main de la reine Isabelle pour le prince Léopold. Contre son succès, nous n’avions qu’une garantie au dehors, la loyauté de la cour d’Angleterre et de lord Aberdeen. « Nous sommes destinés à nous revoir souvent, m’avait-il dit vers l’origine de nos rapports plus intimes ; croyez tout ce que je vous affirmerai jusqu’au moment où je vous aurai trompé en quoi que ce soit ; dès lors ne me croyez plus du tout. » Mais les jours ministériels de lord Aberdeen étaient comptés, et son successeur évident n’avait cessé de combattre sa politique avec une extrême vivacité. Tout le monde à Paris convenait que l’avènement de la maison de Cobourg, remplaçant sur le trône d’Espagne la maison de Bourbon, serait pour le gouvernement français le plus sérieux, peut-être le plus funeste des échecs. En présence de cette éventualité, il était impossible de déclarer d’avance plus nettement que ne le fit alors M. Guizot, dans une note souvent citée, la conduite que le gouvernement français se verrait contraint de tenir, si cette solution, contre laquelle, dès le premier jour, il n’avait cessé de s’élever, devenait probable et imminente. J’assistai avec l’ambassadeur à la remise de cette note à lord Aberdeen. Nous l’appuyâmes du récit détaillé de tout ce que j’avais vu et entendu dans un récent voyage à Paris. Je me souviens même d’avoir demandé au secrétaire d’état s’il était possible à l’ambassade de mettre directement le prince Albert au courant de la gravité de toute la question, telle que l’envisageait le gouvernement du roi. La rupture pouvait encore être prévenue par le fidèle accomplissement de la condition essentielle de notre accord, la résistance de l’Angleterre à toute prétention du prince de Cobourg. Telle fut aussi la condition que, jusqu’à la fin de son existence ministérielle, lord Aberdeen remplit avec sa loyauté accoutumée. Son représentant à Madrid, sir Henri Bulwer, s’étant plus résolument prononcé en faveur du prince Léopold, il lui adressa une si forte remontrance que sir Henri Bulwer lui offrit sa démission.

Ce fut, dans la question des mariages espagnols, le dernier acte du ministère de lord Aberdeen. Le premier acte de son successeur fut de placer le nom du prince de Cobourg à la tête des trois candidats officiellement désignés par le nouveau gouvernement au choix de la reine Isabelle. Le résultat est connu ; le grave dissentiment qu’il fit