Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/48

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du 11 juillet 1779 établit une assemblée provinciale dans la généralité de Montauban, qui devait être désormais désignée sous le nom de Haute-Guienne. Celle-là devait se composer de cinquante-deux membres, dont dix de l’ordre du clergé, seize gentilshommes propriétaires, et vingt-six du tiers-état, tant députés des villes que propriétaires des campagnes. Une première réunion se tint à Ville-franche d’Aveyron pour régler les préliminaires ; l’évêque de Rhodez fut nommé président. La substitution du nom de Haute-Guienne à généralité de Montauban, comme du nom du Berri à généralité de Bourges, indique chez le roi et son ministre l’intention de supprimer peu à peu les généralités qui rappelaient trop le souvenir de l’administration despotique, et de les remplacer par les anciens noms des provinces.

Enfin une quatrième assemblée fut établie à Moulins, pour le Bourbonnais, le Nivernais et La Marche, le 19 mars 1780. Elle devait être composée comme la précédente, mais elle ne put se constituer, et cet échec devint la cause déterminante de la retraite de Necker. La réaction contre les idées de ce ministre avait pris des forces ; l’intendant de la généralité de Moulins, M. de Reverseaux, jugea le moment favorable à la résistance : il refusa ouvertement d’obéir aux ordres donnés pour la convocation de l’assemblée, et le parlement refusa à son tour d’enregistrer l’édit de création. Le mémoire confidentiel que Necker avait adressé au roi en 1778 sur les assemblées provinciales avait été confié sous le sceau du secret à un personnage de la cour ; il fut imprimé clandestinement par un odieux abus de confiance et distribue avec une extrême promptitude à tous les membres du parlement de Paris. Or il s’y trouvait le passage suivant : « Le public, par la tournure des esprits, a les yeux ouverts sur tous les inconvéniens et sur tous les abus. Il en résulte une critique inquiète et confuse qui donne un aliment continuel au désir qu’ont les parlemens de se mêler de l’administration. Ce sentiment de leur part se manifeste de plus en plus, et ils s’y prennent comme tous les corps qui veulent acquérir du pouvoir, en parlant au nom du peuple, en se disant les défenseurs des droits de la nation, et l’on ne doit pas douter que, bien qu’ils ne soient forts ni par l’instruction ni par l’amour pur du bien de l’état, ils ne se montrent dans toutes les occasions, aussi longtemps qu’ils se croiront soutenus par l’opinion publique ; il faut donc ou leur ôter cet appui, ou se préparer à des combats répétés qui troubleront la tranquillité du règne de votre majesté et conduiront successivement ou à une dégradation de l’autorité, ou à des partis extrêmes dont on ne peut mesurer au juste les conséquences. L’unique moyen de prévenir ces secousses est d’attacher essentiellement les parlemens aux fonctions honorables et tranquilles de la