Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/490

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mais le duc de Bourgogne avait disparu avant l’âge. Il avait trouvé dans les combinaisons de sa politique une petite princesse qui était la lumière et la grâce d’un règne assombri, et la duchesse de Bourgogne n’était plus. La reine d’Espagne, elle aussi, mourait peu après. Ces deux sœurs de Savoie s’en allaient presque ensemble. Je ne veux point exagérer le rôle des princes dans les destinées des peuples, dans la marche mystérieuse des choses, et cependant ne peut-on se demander ce qui serait arrivé si la mort eût été moins inexorable, si elle eût laissé vivre la duchesse de Bourgogne à côté du second dauphin devenu roi, la reine Louise-Gabrielle à côté de Philippe V en Espagne ? Ce destin ne s’est point accompli.

Telle qu’elle est, la duchesse de Bourgogne apparaît comme une de ces figures de l’histoire qui charment par ce qu’elles ont été et par ce qu’elles auraient pu être, qui s’éclipsent avant de réaliser les espérances qu’elles éveillent. Dans cette cour du grand roi où tout vieillit, se refroidit et s’affaisse, elle est la vie, la grâce spirituelle et attachante. Dans ce monde de princes légitimés, fruits des amours royales, elle a un air de vraie princesse, elle a une hauteur pétulante et une fierté naturelle. Par son esprit, elle touche au XVIIe siècle qui finit et au XVIIIe siècle qui commence, réunissant dans sa personne quelques-uns des traits des deux époques. Princesse de Savoie enfin, n’est-elle pas à la cour de Louis XIV comme une personnification prématurée et piquante de cette alliance de la France et du Piémont qui a été si souvent essayée, qui a été le nœud de tant de combinaisons, et qui n’est devenue une réalité sérieuse que de nos jours ? Et c’est ainsi qu’un reflet de cette aimable figure vient encore se mêler à tous les événemens contemporains.


CHARLES DE MAZADE.