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de cette nature ont été étudiés scientifiquement, les, causes et les effets en sont connus. L’ignorance des gouvernemens en cette matière n’est plus pardonnable aujourd’hui. Les grèves qui éclatent sous nos yeux sont un avertissement donné aux gouvernemens, surtout à ceux qui, amplifiant leur rôle, ont pris un pouvoir immodéré et ont la prétention d’exercer sur la société une impossible tutelle. Les grèves invitent les gouvernemens à faire un examen de conscience, à rechercher s’il n’existe point des causes factices de crise industrielle, et si, en partie du moins, ces causes n’émanent point d’eux-mêmes. Il est temps peut-être d’y faire attention : des emprunts onéreux pour l’état, et qui, offrant une excitante amorce à la spéculation, amèneraient une fabuleuse abondance de souscriptions aux guichets du trésor, ne sont point une vraie démonstration de prospérité générale. En tout cas, des grèves, des débats sur les salaires entre les patrons et les ouvriers, sont un signe du temps qui tempère singulièrement le sens de la hausse extravagante des terrains, de la cherté de la main-d’œuvre à Paris, et du succès spéculatif des souscriptions ouvertes au trésor. C’est le devoir des économistes et du gouvernement d’étudier promptement la nature et la portée de ce mouvement douloureux, car l’action des lois qui régissent certains faits économiques se peut calculer presque aussi facilement et avec plus de profit pour l’humanité que l’orbite de la comète régnante.

Quoique la session dure encore pour quelques jours en Angleterre, on en sent l’agonie au peu d’intérêt que présentent les séances du parlement. Cette fin de vie parlementaire est consacrée à l’expédition du détail des affaires de second et de troisième ordre. Rarement s’y présentent des questions qui puissent mettre encore aux prises les partis fatigués. Quand le parti tory rencontre pourtant l’occasion de quelque escarmouche, il ne la laisse point échapper et se donne le plaisir de mettre le ministère en minorité, ou plutôt il en fait la menace. C’est ce qui est arrivé à propos d’une motion qui demandait que les électeurs de Wakefield fussent convoqués pour la nomination d’un nouveau député. Aux élections dernières, le bourg de Wakefield se distingua par de cyniques manœuvres de corruption. Le candidat tory et le candidat libéral achetèrent les votes à l’envi. Le candidat libéral, qui n’était autre que le propre beau-frère de M. Bright, fut nommé. L’élection de Wakefield, après une longue enquête, fut cassée par la chambre des communes, et ce bourg n’a point de représentant. Wakefield sera-t-il puni par la perte de la représentation ? C’est la peine que l’on inflige en Angleterre aux bourgs où la corruption s’est trop effrontément étalée. Il semble que le cabinet n’ait point pris encore parti à cet égard. à la fin d’une séance, après minuit, les tories, se trouvant les plus nombreux dans la chambre, tentèrent de résoudre la question en proposant qu’un writ fût émis pour que Wakefield fût appelé à élire un représentant. Trois fois les whigs présentèrent un amendement contraire à la motion, trois fois l’amendement fut repoussé. Les tories, satisfaits de ce petit succès, consentirent à l’ajournement de la discussion, et enfin leur