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LES SOPRANISTES.

I.
VELLUTI.

Dans le mois de février dernier, il est mort un chanteur italien qui a joui pendant sa vie d’une grande célébrité : nous voulons parler de Velluti, le dernier des sopranistes remarquables qu’on ait entendus au théâtre. Successeur des Pacchiarotti, des Marchesi et des Crescentini, Velluti a vu s’accomplir une grande transformation dans la musique dramatique, dont le premier résultat a été de proscrire les voix factices de ces êtres étranges que l’Italie a produits en si grand nombre pendant le XVIIIe siècle. En effet, c’est depuis l’avènement de Rossini que les voix de contralto féminin ont été substituées à celles des castrats, et que les Molanotte, les Pisaroni, les Pasta et les Malibran, ont pris la place des Guadagni, des Farinelli, des Caffarelli et des Gizzielo. Velluti a connu Rossini, qui a composé pour lui un ouvrage de sa jeunesse ; il a connu Meyerbeer, qui a écrit également pour le sopraniste un rôle important dans son opéra italien, il Crociato in Egitto Velluti cependant appartient à la génération de chanteurs qui a précédé la réforme opérée par l’auteur de Tancredi ; il était, par le style et par les tendances de son goût, le contemporain de Mayer, de Paër, de Niccolini et des compositeurs qui forment la transition entre le XVIIIe siècle et la musique moderne. À ce titre, et comme le dernier représentant d’une forme de l’art qui n’existe plus, Velluti mérite que nous lui consacrions quelques lignes de souvenir.

Il était né à Monterone, dans les Marches d’Ancône, en 1781, disent la plupart des biographes ; mais j’ai tout lieu de croire que cette date n’est pas vraie, car Rossini m’a affirmé cet hiver que Velluti est mort âgé de quatre-vingt-quatre ans, ce qui le ferait naître en 1777. Quoi qu’il en soit de ce détail peu important, Velluti, après avoir subi assez tard la cruelle opération qui a fixé le timbre de son organe, fut confié, à l’âge de quatorze ans, à un maître de chant de la ville de Ravenne, l’abbé Calpi, qui le prit dans sa maison et se chargea de son éducation musicale. C’est ainsi qu’ont été élevés la plupart des sopranistes célèbres qui ont émerveillé l’Europe. Ils entraient rarement dans un conservatoire, et presque toujours ils étaient confiés aux soins d’un maître particulier qui les dirigeait jusqu’au moment de leurs débuts. C’est à Forli que Velluti débuta dans la carrière théâtrale vers le commencement de ce siècle. Il parcourut ensuite les petites villes des états de l’église et arriva en 1805 à Rome, où il obtint beaucoup de succès dans un opéra de Niccolini, la Selvaggia. Deux ans après, Velluti retourna à Rome et chanta avec un plus grand succès encore dans un nouvel opéra du même compositeur, Trajano in Dacia. À l’automne de la même année, il fut engagé au théâtre de Saint-Charles, à Naples, où il produisit un très grand effet. Après avoir tour à tour chanté à Milan en 1809, à Turin, à Milan encore en l’année 1810, Velluti se rendit à Vienne en 1812. De