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malgré sa rudesse naturelle, témoignait en faveur de l’administration des états. Un observateur attentif pouvait cependant constater dès lors les symptômes des divisions qui ont éclaté plus tard. Nantes et Rennes, dont la richesse et la population avaient grandi avec le temps, ne souffraient plus qu’impatiemment l’autorité de la noblesse bas-bretonne ; un jour serait venu sans aucun doute où le tiers-état de ces deux villes aurait réclamé une modification dans le sens des réformes de Necker, et alors ou la constitution générale de la Bretagne se serait modifiée, ou la province se serait coupée en deux. Dans l’un et l’autre cas, on aurait fait un pas vers l’uniformité.

La constitution des états du Languedoc n’appelait pas une semblable réforme, puisqu’elle avait servi de modèle pour les nouvelles assemblées ; mais l’étendue de cette province, qui comprenait huit de nos départemens actuels, donnait lieu à des difficultés intestines. Le Velay, le Vivarais, le Gévaudan, placés à l’un des bouts, se plaignaient d’être négligés et auraient certainement demandé tôt ou tard leur séparation. Une rivalité ancienne subsistait entre les deux capitales de la province, Toulouse et Montpellier. Le Languedoc devait donc un jour ou l’autre se partager en trois. Les autres pays d’états avaient moins d’étendue ; quelques-uns, comme le Béarn, comprenaient à peine un de nos départemens. La constitution de la Bourgogne était toute féodale, celle de la Provence toute démocratique. Ces différences ne pouvaient manquer de s’atténuer avec le temps ; on serait ainsi parvenu peu à peu à diviser la France en une quarantaine de provinces d’une étendue à peu près égale et d’une organisation de plus en plus homogène.

Non-seulement les assemblées provinciales devaient avoir plus d’importance que nos conseils actuels de département à cause de la plus grande étendue de chaque circonscription, mais elles étaient investies d’attributions plus larges. Dans son traité de l’Administration des finances, publié peu d’années après sa sortie du ministère, Necker dit formellement que les assemblées provinciales devaient jouer le premier rôle dans la réforme générale des impôts. On s’exagère beaucoup en général les exemptions d’impôts dont jouissaient les ordres privilégiés. Les nobles n’étaient point sujets personnellement à la taille ou impôt foncier, mais ils la payaient par l’intermédiaire de leurs fermiers, quand ils en avaient ; c’est ce qu’on appelait la taille d’exploitation. Ils n’en étaient affranchis que pour les terres qu’ils faisaient valoir eux-mêmes, et ce privilège se limitait dans la plupart des provinces à l’exploitation de trois charrues. Ils payaient leur part de tous les autres impôts, comme les vingtièmes, la capitation, les contributions indirectes, et, la taille ne formant