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jetant sa poussière d’or et ses fleurs sur la tribune austère des apôtres. Chrysostome atteignit le comble de sa renommée dans les jours terribles qui suivirent la sédition d’Antioche, quand, par le charme de ses discours, il sut retenir au pied du sanctuaire, l’instruisant, la soutenant, la consolant, une ville entière tremblante sous la colère de Théodose.

Dans cette situation humble par le titre, élevée par les services et la gloire, Chrysostome se félicitait d’avoir su repousser les tentations de l’épiscopat, car on avait voulu le faire évêque au temps de sa retraite dans la montagne, et il n’avait pas résisté sans quelque peine, lui-même l’avoue naïvement. La tentation se représenta en 397, et cette fois avec plus de succès. L’église de Constantinople venait de perdre, le 17 septembre de cette année, son évêque Nectaire, qui l’avait administrée seize ans, au milieu de circonstances difficiles, sans grand éclat, mais aussi sans trouble. La vacance de ce siège était toujours un événement public, non qu’il possédât sur l’Orient, comme celui de Rome sur l’Occident, une suprématie avouée, dérivant soit du consentement des autres églises, soit d’une origine apostolique ; il exerçait une simple suprématie de fait en qualité de siège de la ville impériale, mais cette suprématie était grande. L’évêque de Constantinople occupait à la cour un rang égal à celui des premiers fonctionnaires de l’empire, et mettait toujours un poids considérable dans les discussions de l’église, quelquefois même dans celles de l’état. Les évêques étrangers que leurs affaires amenaient dans la métropole, reçus, hébergés chez lui, lui formaient une espèce de cour, et de plus, sans qu’on pût invoquer pour cette extension de pouvoir aucune règle de droit, les titulaires du siège de Byzance s’étaient attribué, sur leurs collègues des diocèses administratifs de Thrace, d’Asie et de Pont, une juridiction qui avait été confirmée par l’usage. C’était donc une chose grave en tout temps que l’élection d’un évêque de Constantinople, et elle se compliquait en ce moment d’embarras nouveaux par la présence de plusieurs évêques réunis à Constantinople, qui réclamèrent le droit ou de la diriger, ou de la contrôler. Leur nombre ne fit que s’accroître à mesure que le bruit de la vacance se répandit en Orient, et il se forma près du siège à remplir une sorte de concile improvisé avec lequel durent compter les électeurs et le gouvernement lui-même.

À la tête de ce petit concile se trouvait un homme remuant et dangereux, le patriarche d’Alexandrie, Théophile, prêtre d’un savoir reconnu, mais d’une moralité contestée, machinateur infatigable d’intrigues, influent à la cour, plein de séduction près des autres évêques, habile enfin à déguiser un esprit dominateur sous des apparences de désintéressement. Ses prétentions à la fidélité envers ses