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ration apparente. Il affirma n’avoir reçu aucune notification directe de la nomination du consul d’Orient, ajoutant qu’il n’en recevrait probablement pas avant les calendes de janvier, la mer et les vents étant contraires, qu’ainsi on devait s’attendre à ne proclamer dans Rome qu’un seul consul. Le choix de ce consul unique avait été fait avec mûre réflexion, et comme pour contraster d’avance avec ce qui allait se passer en Orient, Honorius désignait Mallius Theodorus, préfet actuel d’Italie, un des hommes les plus considérables et les plus honorés de l’Occident. Des mesures furent arrêtées d’ailleurs entre la cour de Milan et le sénat de Rome pour que son entrée en charge reçût un éclat extraordinaire en rapport avec l’étrangeté des circonstances.

Mallius Theodorus était un type curieux du noble romain à cette époque de transition religieuse où le païen était attiré vers le christianisme par l’exemple du prince ou le cri de sa conscience, et le chrétien retenu sur la limite du polythéisme par le respect des traditions séculaires et l’esprit intolérant de la noblesse. Dans ce conflit de doctrines et de cultes, la philosophie platonicienne, voisine du christianisme par ses sublimités, tandis qu’elle purifiait le grossier réalisme païen par des interprétations idéales, formait un terrain neutre où chrétiens et païens pouvaient se rencontrer sans se choquer. C’était sur ce terrain que Mallius Theodorus, chrétien de profession, mais noble par sa naissance et ses fonctions, avait planté sa tente, là qu’il pouvait être à la fois l’ami du vieux pontife Symmaque et le protecteur du jeune Augustin, récemment converti, qui lui dédia son traité de la vie heureuse. Lui-même avait composé un livre sur l’origine du monde et la source de nos idées, probablement d’après le système de Platon. Séduisant dans ses manières, irréprochable dans ses mœurs, bienveillant dans ses rapports avec les autres, écrivain correct en prose et en vers, Théodore avait eu une vie facile et applaudie. Dans ce temps de discorde de tout genre, on ne lui connaissait point d’ennemi. Successivement avocat au barreau du prétoire, proconsul en Afrique et en Macédoine, intendant des largesses privées et préfet du prétoire des Gaules, il occupait la grande préfecture de l’Italie, lorsqu’Honorius jeta les yeux sur lui. Tous les partis approuvèrent un choix si prudent, et, afin de flatter le sénat, le nouveau consul réclama la présence de Symmaque à la cérémonie de son installation. Symmaque, n’ayant pu venir, se fit remplacer par son fils Flavien, de sorte que le chrétien Théodore, montant au Capitole pour y bénir l’année, se trouva flanqué d’un exilé de la veille, chef du parti païen dans les dernières guerres religieuses. Claudien reçut l’ordre de célébrer le consulat de Mallius par ses vers les plus retentissans, et on lui commanda en même temps une satire sur celui d’Eutrope ; mais l’homme pacifique et modéré ne sut guère