Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/56

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Cependant le temps marchait ou plutôt courait, les esprits s’agitaient de plus en plus, et si Necker lui-même n’était pas encore rappelé, ses idées et ses projets grandissaient dans l’opinion. En février 1787, quand le roi se décida à convoquer l’assemblée des notables, le premier objet soumis aux délibérations par M. de Calonne fut un projet d’édit pour la création d’assemblées provinciales dans tout le royaume. « Mais c’est du Necker tout pur que vous me donnez là, » lui dit le roi. « Sire, répondit le ministre, c’est ce qu’on peut vous offrir de mieux. » L’assemblée des notables, composée des sept princes du sang, des principaux personnages du clergé, de la noblesse et des parlemens, des membres les plus influens du conseil du roi, des députés des pays d’états et des chefs municipaux des vingt-quatre premières villes du royaume, sanctionna ce projet par ses votes. Il n’en fut pas de même des autres propositions de M. de Calonne, et ce ministre succomba sous l’irritation générale. Son successeur, M. de Brienne, s’empressa de promulguer l’édit sur les assemblées provinciales, tel qu’il était sorti des délibérations des notables. « Les heureux effets, disait le roi dans le préambule, qu’ont produits les administrations provinciales établies par forme d’essai dans les provinces de la Haute-Guienne et du Berri ayant rempli les espérances que nous en avions conçues, nous avons cru qu’il était temps d’étendre le même bienfait à toutes les provinces de notre royaume. Nous avons été confirmé dans cette résolution par les délibérations unanimes des notables qui ont été appelés près de nous, et qui, en nous faisant d’utiles observations sur la forme de cet établissement, nous ont supplié avec instance de ne pas différer à faire jouir tous nos sujets des avantages sans nombre qu’il doit produire. Nous déférons à leur avis avec satisfaction, et tandis que, par un meilleur ordre dans les finances et par la plus grande économie dans les dépenses, nous travaillerons à diminuer la masse des impôts, nous espérons qu’une institution bien combinée en allégera le poids par une exacte répartition. »

Ainsi se trouvait enfin réalisée, après un siècle d’attente, la pensée de Fénelon, recueillie par les économistes et fécondée par Necker. Turgot lui-même revivait en quelque sorte dans cette création, car M. de Calonne avait auprès de lui l’ami, le collaborateur de Turgot, Dupont de Nemours, qui ne fut pas plus étranger à l’édit de 1787 qu’il ne l’avait été au mémoire de 1774. Cet édit, n’ayant précédé que de deux ans 1789, a disparu dans l’éblouissement de cette grande date ; mais le principe a survécu, et après bien des vicissitudes il en est sorti l’organisation actuelle de nos conseils-généraux de département, la seule institution qui ait vraiment réussi de toutes celles qu’on a essayées depuis trois quarts de siècle. En