Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/587

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nuits sans sommeil, je suppliais Célestrie de me donner enfin le repos dont j’avais tant besoin ; elle s’attristait alors de ma douleur, elle me jurait d’être plus sage à l’avenir, me parlait d’Henriette en termes affectueux ; mais dès qu’elle la revoyait près de moi, elle oubliait ses résolutions promises et entrait dans des colères nouvelles, dont je faisais injustement supporter le poids à mon innocente maîtresse. Vingt fois, pour éviter ces combats où je perdais le meilleur de mes forces, j’ai voulu tout quitter, m’enfuir, aller cacher ma vie dans quelque coin ignoré de tous ; mais je n’avais pas l’énergie nécessaire pour accomplir un projet pareil, et puis j’aimais Henriette, et je restais.

Je lui avais remis une clé de mon appartement afin qu’elle pût y entrer pendant mon absence et m’attendre ; elle pouvait se rendre assez secrètement chez moi par une sorte d’allée qui aboutissait à ma maison, et lui épargnait, par son obscurité, les regards indiscrets du voisinage. Elle rangeait mes affaires, raccommodait mon linge et donnait à tout mon intérieur une proprette élégance. J’aimais à la trouver chez moi quand j’arrivais. « Ne me querellez pas trop aujourd’hui, mon cher Floréal, » me disait-elle en me voyant paraître. Je le lui promettais en l’embrassant, et j’étais bien heureux quand j’avais pu tenir ma promesse.

« J’ai quelque chose à vous demander, me dit-elle un jour. — Faites vite, lui répondis-je, afin que j’aie la joie de vous obéir promptement. — Ce collier d’ambre que j’ai tant désiré autrefois et qui n’est plus pour vous aujourd’hui qu’un souvenir insignifiant, donnez-le-moi, car je le désire encore. » À ces mots, Célestrie fit un bond dans mon cœur. « Jamais vous n’aurez ce collier, dis-je sévèrement à Henriette ; je vous défends de m’en parler de nouveau, et si vous redoutez un grand malheur, évitez même d’y toucher lorsque vous viendrez ici. » Henriette voulut insister, j’entrai en fureur ; elle pleura et partit en me disant : « Vous êtes en vérité trop méchant pour moi ! »

« Pourquoi ne veux-tu pas lui donner ton collier ? demandai-je à Célestrie, quand, resté seul, je pus l’interroger. — Tu m’avais promis de l’enterrer avec moi, me répondit-elle. N’est-ce donc pas assez déjà de t’avoir pardonné ta négligence ? Ce collier est à moi, il ne doit appartenir à personne ; si cette créature y touche, je l’étrangle. » Que faire ? Je me tus sans oser répliquer. Henriette ne me parla plus du collier ; mais son désir persistait toujours, je m’en apercevais facilement aux regards de convoitise qu’elle jetait souvent sur ce pauvre bijou, qui m’avait déjà valu tant de contrariétés et qui devait encore me valoir bien des douleurs. Toutes les fois qu’Henriette contemplait le collier d’ambre, je sentais les tressaillemens irrités