Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/59

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exilé à Libourne pour ce fait, il refusa de reconnaître la légalité de son exil. Le gouvernement dut provisoirement s’abstenir d’établir une assemblée provinciale dans la généralité de Bordeaux.

Le roi n’en poursuivit pas moins son dessein avec fermeté et persévérance. Les assemblées provinciales se réunirent, se constituèrent et commencèrent leurs travaux. D’autres incidens assez graves éclatèrent en Dauphiné, en Provence, en Franche-Comté, où l’on s’obstinait à réclamer les anciens états ; à part ces exceptions inévitables, l’ensemble réussit parfaitement. Il faut raconter en détail ce qui se passa dans chaque province pour donner une idée complète de ce beau mouvement national, beaucoup trop oublié aujourd’hui ; contentons-nous de dire pour le moment que les représentans des trois ordres se montrèrent animés partout de sentimens de fraternité, et que l’exemple, déjà donné par le Berri et la Haute-Guienne se renouvela généralement. Les procès-verbaux font foi de cette heureuse harmonie. On vit douze cents propriétaires, formant l’élite de la nation, se rassembler sur tous les points du territoire, et y paraître, dès le premier jour, prêts à traiter toutes les questions d’intérêt public. La plupart d’entre eux devaient être appelés l’année suivante à la rédaction des cahiers et élus ensuite aux états-généraux. Outre la réforme des impôts et les travaux publics, ils s’occupèrent avec passion de l’agriculture[1]. La question qui passait avec raison pour la plus importante était celle des bêtes à laine, que Daubenton avait rendue populaire. Une foule de mémoires, presque tous écrits par les hommes les plus considérables, furent présentés à la fois sur ce sujet, que recommandait aux assemblées provinciales une instruction émanée du gouvernement. À l’amélioration des troupeaux se rattachait la propagation des prairies artificielles, qui commençaient à prendre faveur. Une question encore aujourd’hui fort controversée, celle des haras, occupa également l’attention générale, et donna lieu à des travaux nombreux.

Même dans les assemblées secondaires d’élection ou d’arrondissement, une semblable émulation se manifesta. Dans toutes les villes épiscopales, ces assemblées furent présidées par l’évêque ; ailleurs les plus grands seigneurs acceptèrent la présidence, tels que le duc de Liancourt, le duc de Mortemart, le marquis de Montesquiou, etc. En comptant cette seconde catégorie de réunions, le nombre des citoyens appelés à délibérer sur les affaires locales atteignait plusieurs milliers, dont la moitié appartenait au tiers-état.

Parmi les écrits qui parurent en 1788 sur une organisation qui remplissait d’espérances tous les cœurs, on remarque un ouvrage en deux volumes, intitulé Essai sur la constitution et les fonctions des

  1. Voyez, dans la Revue de 1er juin 1859, la Société d’agriculture de Paris avant 1789.