Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/604

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par l’atmosphère, et il ne reste plus d’elle qu’une couche de sel plus ou moins épaisse, formée aux dépens de la mer. C’est ainsi que les lagunes reprennent à la Caspienne le sel que les fleuves des steppes lui avaient apporté. Toute la question est de savoir s’il y a égalité entre la recette et la dépense, ou bien si, conformément à la théorie de M. de Baer, la déperdition de sel est plus considérable que le gain. Une longue série d’observations rigoureuses pourra seule résoudre ce problème.

On peut étudier la formation de ces réservoirs salins sur tout le pourtour de la Caspienne. Pendant un séjour de plusieurs mois à la citadelle de Novo-Petrovsk, qui domine le meilleur port de la rive orientale, non loin du cap Tchuk-Karaghan, M. de Baer utilisait ses loisire en visitant les restes d’une ancienne baie, aujourd’hui divisée en un grand nombre de bassins qui présentent tous les degrés de concentration saline. L’un reçoit encore de temps en temps les eaux de la mer et n’a déposé sur ses bords qu’une très mince couche de sel ; un deuxième, également rempli d’eau, a le fond caché par une épaisse croûte de cristaux roses semblable à un pavé de marbre ; un troisième offre une masse compacte de sel où brillent çà et là des flaques d’eau situées à plus d’un mètre au-dessous du niveau de la mer ; un autre enfin a perdu par l’évaporation toute l’eau qui le remplissait jadis, et les strates de sel qui en tapissent le fond sont en partie recouvertes par les sables. Il en est de même plus au sud, dans les environs de la baie d’Alexandre. Une crique profonde se sépare de la mer ; le Karakul, autre crique déjà complètement isolée, se change en saline, tandis qu’une troisième, l’Achtchi-Saï, dont le niveau se trouve à 15 mètres en contre-bas de la Caspienne, est un réservoir de sel presque inépuisable.

De ces milliers de baies et de lagunes où s’emmagasinent les sels de la Caspienne, aucune n’est plus remarquable que le Karaboghaz, espèce de mer intérieure qui réunissait probablement la mer d’Hyrcanie au lac d’Aral, et dans lequel se jetait peut-être l’Oxus lorsqu’il était encore tributaire de la Caspienne. Le Karaboghaz, à peine indiqué sur la plupart des cartes, couvre cependant une surface très considérable et s’étend dans l’intérieur des terres jusqu’à près d’un tiers de la distance qui sépare le rivage oriental de la Mer-Caspienne d’une baie projetée par l’Aral dans la direction du sud-ouest. Cet immense golfe communique avec la mer par une bouche étroite qui, dans sa partie la plus resserrée, a de 140 à 150 mètres de largeur. Le chenal, que gardent des récifs de calcaire coquillier, offre une profondeur de 7 mètres ; mais le fond se relève graduellement vers l’intérieur du bassin, et forme une large barre dont la partie la plus profonde est à cinq pieds au-dessous de la surface ; les bateaux à fond plat peuvent seuls franchir l’entrée. Un courant venu de la