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séchées, et des deux embouchures principales qui coulent à droite du delta, la plus importante est celle de droite, appelée le Nouveau-Terek. Dans le delta du Volga, c’est également sur la droite, c’est-à-dire à l’ouest, que s’est portée la masse des eaux. Il y a deux cents ans, l’embouchure principale suivie par les navires coulait directement d’Astrakhan vers l’est ; depuis, le grand courant s’est frayé successivement de nouveaux lits, obliquant de plus en plus à droite, et maintenant le bras que suivent les embarcations est dirigé vers le sud-sud-ouest : c’est le Bachtemir.

En amont d’Astrakhan, on peut aussi voir dans leur étonnante grandeur les traces des empiétemens du Volga sur sa rive droite. Du côté de l’est, c’est-à-dire sur la rive gauche, ce sont des îles, des canaux à demi desséchés, des marécages, puis dans le lointain le steppe nivelé par les eaux qui le recouvraient jadis. Le fleuve porte toute la force de son courant vers la rive occidentale, le plus souvent taillée en falaise et formée d’une énorme muraille d’argile reposant sur un talus de sable. Pendant les crues, l’eau du Volga vient se heurter contre la base de la falaise, elle emporte le sable, creuse de grandes cavités au-dessous de la paroi d’argile, puis déblaie les uns après les autres les énormes blocs quadrangulaires qui se détachent des assises supérieures : elle ronge ainsi et détruit sans relâche ces puissantes murailles argileuses qui de loin ressemblent à des rochers, et les emporte à la mer avec les villes et les villages qui les couronnent. Presque toutes les vingt-trois cités construites sur la rive occidentale du Volga, appelée aussi rive d’amont à cause de ses falaises, sont ainsi démolies en détail, maison à maison, rue à rue, et, rongées d’un côté, sont obligées d’avancer de l’autre dans le steppe. La berge de Tchernoï-Jar, haute d’environ 30 mètres, recule à peu près d’autant chaque année, et la route par laquelle on descend de la ville au bord du fleuve est à refaire tous les ans. Le cimetière, aussi bien que l’ancienne ville, est englouti, et récemment encore on voyait des crânes grimaçans et des squelettes blanchis faire saillie hors de la muraille rougeâtre de la falaise. Du haut des escarpemens qui bordent la rive droite, on jouit d’une vue grandiose sur le fleuve, sur les innombrables canaux qui serpentent au milieu du labyrinthe des îles vertes, sur l’Achtouba, ancien lit du Volga, laissé aujourd’hui à 20 kilomètres du courant principal. Au-delà s’étend le steppe immense, qui ressemble à une mer grisâtre, et pendant les inondations du Volga se transforme réellement en mer sur une largeur considérable. C’est pour éviter ces redoutables inondations que les villes ont été presque toutes bâties sur la rive droite ; trois seulement ont pu, grâce à des avantages exceptionnels, s’élever sur la rive gauche ; l’une d’elles, Kasan, située autrefois au