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dations du fleuve, le courant déverse dans ces canaux le trop-plein de ses eaux chargées d’argile ; puis, après la fin de la crue, la mer y pénètre à son tour. Grâce à ces ruisseaux qui coulent tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, et qu’on pourrait comparer à un système de veines et de veinules, il se produit ainsi dans les eaux de cette région des bugors un mouvement incessant de va-et-vient entre la mer et le Volga. Plus au sud, les vallées étroites des limans, étant moins souvent remplies par les eaux d’inondation, n’offrent point en général de nappe continue, mais seulement une chaîne de lacs séparés les uns des autres par des isthmes sablonneux. Lorsque le niveau des lacs s’élève à la suite de longues pluies, d’une crue exceptionnelle du Volga ou d’une infiltration des eaux marines, les digues de sable sont parfois emportées, et plusieurs lacs se réunissent en un seul ; souvent aussi de longues sécheresses fractionnent un seul lac en un nombre plus ou moins considérable d’étangs qui se saturent peu à peu de sel aux dépens des bugors dont ils baignent la base. Les agens qui dirigent l’exploitation de ces étangs se procurent de nouveaux lacs salés en coupant un liman de digues pour le séparer du Volga et de la mer ; en quelques années, l’ancienne nappe d’eau douce est transformée en un réservoir de sel.

On peut étudier la formation des bugors sur un développement de plus de 400 kilomètres de côtes entre l’embouchure du Kouma et celle de l’Oural. Au nord du Volga, ces monticules sont peu élevés, assez irréguliers et séparés les uns des autres par des limans d’une faible longueur ; mais il est cependant facile de les reconnaître. Dans les steppes, des séries de lacs en chapelets épars çà et là semblent indiquer aussi une formation de la nature des bugors. Le delta du Volga offre lui-même un nombre considérable de ces monticules, dirigés de l’est à l’ouest, c’est-à-dire perpendiculairement au courant du fleuve. Les branches du Volga contournent les bugors ; mais en même temps elles les rongent pour se frayer un passage direct vers la mer. Dans la partie orientale du delta, où l’œuvre d’érosion se continue depuis de longs siècles, les collines ont été en grande partie déblayées ; mais dans la partie occidentale, où le Volga coule depuis une époque comparativement récente, de longues chaînes de bugors dominent encore les eaux. Toutes les stations de pêche disséminées sur les bords du fleuve et la cité d’Astrakhan elle-même ont été construites sur des collines de cette nature.

Un fait très remarquable, c’est que tous ces monticules sont stratifiés, et que leurs couches superposées affectent la forme de voûtes concentriques. Les strates les plus fortement argileuses sont pour ainsi dire les noyaux autour desquels se sont déposées les terres plus mélangées de sable. Cette distribution des couches est due probablement à l’action des courans d’eau qui donnèrent aux bugors