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traitans russes, arméniens ou cosaques ; mais comme il n’eut pas le temps de s’aventurer dans cette vallée, un doute eût toujours subsisté sur le cours de la rivière qui l’arrose, si une exploration directe n’avait depuis confirmé ses assertions. Grâce cà M. Bergstræsser, cette tâche est remplie : il a fait relever géométriquement toute la dépression du Manytch depuis la Caspienne jusqu’au seuil des deux mers ; bien plus, afin de résoudre pratiquement le problème de la communication entre les deux bassins, il fit transporter sur les eaux du Manytch oriental, près de l’entrepôt des salines de Modchar, deux embarcations, dont l’une, assez grande et munie de quatre voiles, était montée de douze rameurs. La crue de la rivière était alors dans son plein. En amont de Modchar, le chenal, profond de 3 mètres environ, permit aux embarcations d’avancer rapidement ; mais lorsque les bateaux furent entrés dans le vaste lac de Sasta, dont les eaux, gonflées par l’inondation, recouvraient une grande partie de la steppe, ils s’égarèrent sur cette immense surface, aux bas-fonds encore inconnus, et plus d’une fois échouèrent sur des bancs de sable, ou quittèrent le chenal pour s’aventurer, sans le savoir, au milieu des plaines inondées. Ainsi l’expédition perdit plusieurs jours à la recherche du véritable cours du Manytch, puis, lorsqu’elle fut arrivée à un endroit où la vallée rétrécie permet de toujours reconnaître le lit, il lui fallut lutter péniblement contre un courant assez fort. Enfin elle atteignit l’embouchure du Kalaous: mais l’inondation avait déjà considérablement baissé, et il était impossible de pénétrer directement dans le Manytch occidental. Les membres de l’expédition durent remonter le Kalaous parallèlement à la dépression ponte-caspienne, puis, arrivés au coude où la vallée du Kalaous remonte vers le nord, ils firent transporter leurs embarcations au point très rapproché où le Manytch occidental commence à devenir navigable, et descendirent le cours de la rivière jusqu’à son embouchure dans le Don. En route, un bateau sombra sur un banc de sable ; mais le problème n’en était pas moins à peu près résolu : l’expédition avait démontré la possibilité de passer d’une mer à l’autre mer pendant les hautes crues du printemps. À cette époque, deux courans d’eau, coulant en sens inverse, établissent temporairement un canal non interrompu entre les deux mers.

Ainsi la vallée du Manytch oriental, complètement inconnue il y a quelques années, est maintenant explorée dans son entier et M. Bergstræsser en a fait tracer une carte excellente. Au sortir du lac Chara-Chul-Ussun, qui ressemble plutôt à un large fleuve, la rivière se perd dans le Sasta (lac des Carpes), ou plutôt dans un labyrinthe d’eaux stagnantes, éparses au milieu des steppes comme les îles d’un archipel au milieu de la mer, et s’unissant en un seul