Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/63

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Les états-généraux n’ayant pas été assemblés depuis 1614, et le long despotisme des deux derniers rois ayant rompu les traditions nationales, toutes les combinaisons se présentaient à la fois. Avec les idées radicales qui remplissaient les têtes et les espérances illimitées qui s’y rattachaient, ce qui n’était que raisonnable n’avait guère de chances. Il n’en est pas moins vrai que si, par un hasard heureux, le système des deux chambres avait prévalu, nous aurions pu avoir les avantages de la révolution sans en traverser les horreurs. Toutes les constitutions qui se sont succédé depuis celles de 1791 et de 1793, à la seule exception de celle de 1848, ont admis les deux chambres : il eût été plus court de commencer par là. Le principe d’égalité n’en eût souffert qu’en apparence, car l’expérience a prouvé qu’on ne pouvait que déplacer l’inégalité politique sans la détruire, Même en admettant que la première chambre eût été formée de la haute noblesse et du haut clergé comme en Angleterre, la distinction des ordres n’en eût pas moins péri, en ce sens que les communes auraient embrassé la nation entière à l’exception de trois ou quatre cents personnes, et rien ne forçait à adopter exactement les mêmes règles qu’en Angleterre. La composition de la seconde chambre aurait pu être extrêmement démocratique sans danger, et les soixante-dix ans qui nous séparent de ce temps auraient pu offrir un développement continu des principes de 1789, au lieu de retours fréquens vers le despotisme et l’oligarchie. Qui sait où nous en serions aujourd’hui ?

Quoi qu’il en soit, au milieu de cette agitation universelle, personne ne perdait de vue les assemblées provinciales. Dans tous les documens de 1789, on voit combien cette question continuait à occuper les esprits. Les cahiers lui consacrent une place importante, et tous à peu près, ceux du tiers-état surtout, s’accordent à accepter le mode d’organisation institué par l’édit de 1787. Beaucoup concluent en même temps à la suppression des intendans, qu’on appelle des vizirs. Chaque province enfin, si petite qu’elle soit, s’attache à obtenir une administration spéciale ; l’Angoumois, longtemps confondu avec le Limousin pour former la généralité de Limoges, demande avec instance à se constituer à part ; le Quercy demande à se séparer du Rouergue, et ainsi de suite. C’est à ce dernier besoin qu’allait bientôt répondre l’institution des départemens, plus petits et plus nombreux que les généralités, par conséquent plus propres à satisfaire les prétentions locales. La plupart des généralités avaient réellement trop d’étendue ; même sans parler des pays d’états, celles de Bordeaux, de Châlons, de Grenoble, d’Orléans, de Paris, de Poitiers, de Tours, comprenaient l’équivalent de quatre de nos départemens ; celles de Besançon, de Limoges, de Moulins, de Nancy, en comprenaient trois. S’il s’était agi de constituer des indépendances politiques,