Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/64

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette dimension eût à peine suffi ; mais ce qu’on demandait de toutes parts, c’était à la fois la fusion politique des provinces et leur liberté administrative. Or pour une bonne administration la trop grande étendue a des inconvéniens ; il s’y fait toujours plus ou moins une centralisation partielle qui sacrifie les extrémités au centre.

Dans son discours d’ouverture des états-généraux, Necker insista fortement, en présence de la nation assemblée, sur l’utilité des administrations provinciales. « Celle d’entre vos délibérations, dit-il, qui est la plus pressante, celle qui aura le plus d’influence sur l’avenir, concernera l’établissement des états provinciaux. Ces états bien constitués s’acquitteront de toute la partie du bien public qui ne doit pas être soumise à des principes uniformes, et il serait superflu de fixer votre attention sur la grande diversité de choses bonnes et utiles qui peuvent être faites dans chaque province par le seul concours du zèle et des lumières de leur administration particulière. Ce n’est pas seulement pour former et constituer sagement des états particuliers dans les provinces où il n’y en a point encore que le roi aura besoin de vos conseils et de vos réflexions, sa majesté attend de vous que vous l’aidiez à régler plusieurs contestations qui se sont élevées sur les constitutions des anciens états de quelques provinces. Sa majesté désire que sa justice soit éclairée ; elle désire faire le bonheur de ses peuples sans exciter « aucune réclamation légitime. »

Ces derniers mots montrent que le ministre croyait le moment venu de toucher aux privilèges des pays d’états ; ce que n’avait pu faire le roi seul, la nation assemblée pouvait l’entreprendre. En même temps qu’il réclamait l’appui des états-généraux pour résoudre les difficultés de détail soulevées par les assemblées provinciales, Necker laissait échapper une arrière-pensée qui rappelait les idées de Turgot. « Si, ajoutait-il, vos réflexions vous amenaient à penser que, librement élus, les états provinciaux pourraient fournir un jour une partie des députés des états du royaume ou une assemblée générale intermédiaire, la composition de ces états vous paraîtrait alors une des plus grandes choses dont vous auriez à vous occuper. Comme on doit être persuadé que bientôt un même sentiment vous réunira, comme on ne peut douter que mille ou douze cents députés de la nation française ne se sépareront pas sans avoir fait sortir de terre les fondemens de la prospérité publique, je me représente à l’avance le jour éclatant et magnifique où le roi, du haut de son trône, écouterait, au milieu d’une assemblée auguste et solennelle, le rapport que viendraient faire les députés des états de chaque province ! »

Ce passage contient en germe tout un système qui mérite de