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près avoir analysé les aimans, il a été possible de reconstituer et de reproduire dans une synthèse complète le grand phénomène naturel qu’on avait tout d’abord aperçu, et qui fût demeuré inexplicable sans la minutieuse recherche de toutes les lois dont il est la conséquence nécessaire.

La chimie ne procède pas autrement. Mettons 590 parties de potasse dans un verre et 500 parties d’acide sulfurique dans un autre. Quand nous mêlerons les deux liquides, il se dégagera beaucoup de chaleur, et on verra se former une substance nouvelle qui cristallise aisément, qui est neutre, qui a toujours les mêmes propriétés et qui est toujours constituée, quel que soit le mode employé pour la produire, par les mêmes proportions d’acide et d’alcali. Qu’on suppose maintenant des expériences analogues exécutées sur tous les corps possibles, qu’on les rassemble et qu’on les résume, on aura un corps de doctrines qui est la science chimique, et il est possible, en l’appliquant, de prévoir les réactions qui se produisent soit dans la nature, soit dans les arts, lorsqu’on fait agir une substance sur une autre dans des conditions définies. Ces deux sciences se constituent tous les jours par l’application incessante de la même méthode de recherches, et le code des lois naturelles se complétera peu à peu pour servir ensuite à toutes les applications.

À côté cependant de la physique et de la chimie, il y a les sciences qui s’occupent des êtres organisés, animaux et végétaux, et dans ce domaine nouveau on rencontre tout d’abord, outre la matière pondérable et ses propriétés, des phénomènes tout spéciaux, qui se développent progressivement, accomplissent une évolution prédestinée, et qui constituent la vie des êtres. La science ne peut que s’incliner devant la cause de ces phénomènes vitaux ; mais, si elle n’a pas la témérité de la vouloir expliquer, elle conserve le droit et le devoir de rechercher le mécanisme et les lois qui président à l’accomplissement des fonctions ; elle se limite dans ce sujet d’études, comme elle se limite en astronomie, où elle s’arrête devant la cause qui a constitué et qui maintient l’harmonie du monde. Dans ce domaine restreint et encore si vaste, il faut qu’elle cherche sa méthode et qu’elle établisse ses principes.

Jusqu’à présent, et à de très rares exceptions près, il semble que les naturalistes et les médecins aient voulu se réduire à l’observation pure et simple des phénomènes. Ils ont étudié les organes avec un soin minutieux, ils ont constaté les fonctions accomplies, et s’ils ont cherché à les expliquer, c’est en faisant appel à des causes occultes telles que la vie ou le fluide nerveux ; ils ont fait comme les physiciens des époques anciennes, et ils manifestent pour l’expérimentation une répugnance qu’il est difficile de vaincre. Cette répu-