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remarqué, le premier produit de cette transformation, et c’est lui qui devient ensuite l’origine de toutes les combinaisons qui se développent ultérieurement. L’oxyde de carbone a été précisément pour M. Berthelot le point de départ d’un grand nombre de synthèses successives, d’où il résulte que de l’oxyde de carbone à l’acide formique, aux carbures d’hydrogène, aux alcools, aux éthers composés, aux acides végétaux et aux amides, la chimie ne voit plus aujourd’hui qu’une suite de métamorphoses effectuées suivant des lois générales.

Or, puisqu’il est démontré qu’en partant de l’oxyde de carbone les forces ordinaires qui règlent les combinaisons chimiques suffisent pour engendrer les produits que les végétaux nous offrent, il faut bien admettre que ceux-ci n’ont point à leur disposition des forces spéciales créées par la vie, et il n’est pas nécessaire d’imaginer, pour expliquer leurs fonctions, un renversement des propriétés de la matière.

Lorsqu’au lieu de se maintenir dans les raisonnemens généraux, on entre dans le détail des faits particuliers, on rencontre une multitude d’exemples qui montrent combien l’intervention de la chimie jette de lumière sur les actions de l’organisme. Nous n’en citerons qu’un. La chimie a découvert que l’acide hippurique peut être scindé en acide benzoïque et en sucre de gélatine, avec fixation des élémens de l’eau, et réciproquement elle a réussi à combiner l’acide benzoïque avec le sucre de gélatine et à reproduire l’acide hippurique. Cela étant, on peut remarquer que les alimens des carnivores ne contiennent point d’acide benzoïque, et que leurs urines ne renferment pas d’acide hippurique ; mais on voit apparaître ce dernier acide aussitôt qu’on ajoute aux alimens l’acide benzoïque. Inversement, les herbivores sécrètent l’acide hippurique, parce que leurs alimens contiennent l’acide benzoïque, et ils n’en produisent plus, si on vient à les nourrir avec des matières entièrement dépourvues de cet acide benzoïque.

Les procédés qu’emploie la chimie pour faire la synthèse des matières organiques ne sont pas les mêmes, à la vérité, que ceux qui se réalisent dans les animaux et dans les végétaux, et le grand pas qu’il lui reste à faire serait d’imiter les conditions d’organisation des êtres vivans et de reproduire les mêmes effets. Nous avouons qu’elle n’est pas très avancée dans cette voie, et la difficulté aussi bien que la complication des expériences expliquent suffisamment la lenteur de sa marche ; mais les conquêtes qu’elle a déjà faites démontrent assez la puissance de ses méthodes et justifient la confiance que nous avons dans ses succès futurs.

Berzelius appela le premier l’attention des chimistes sur une classe