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II.

L’intervention des théories mécaniques et physiques dans la science de l’organisme vivant ne pouvait être moins grande et moins importante que celle de la chimie. Il n’est pas nécessaire de nous arrêter sur certains phénomènes dont la physique n’a jamais été dépouillée. La vision, l’ouïe, les mouvemens, soit des différentes parties d’un animal, soit de l’animal tout entier, bien qu’étant des phénomènes compliqués d’acoustique et de mécanique, ont toujours été expliqués par les principes de ces sciences. En dehors de ces effets relativement simples, il y en a d’autres que l’imperfection de nos connaissances avait soustraits à la physique ; mais les progrès modernes de cette science les ont remis à leur place. Nous allons les passer rapidement en revue.

Nous savons que les tissus organiques sont constitués par des fibres et des cellules élémentaires séparées par de très petits intervalles qui contiennent une certaine quantité d’eau, sans laquelle ces tissus seraient privés des propriétés physiques et mécaniques essentielles à leurs fonctions. N’oublions pas en effet que, même dans les animaux les plus rudimentaires, la vie n’existe qu’en présence de l’eau et sous l’influence d’une certaine température, comme le prouvent les expériences que l’on a faites sur les rotifères, dont les mouvemens s’éteignent ou reparaissent toutes les fois qu’on les dessèche ou qu’on les mouille. On peut en dire autant des végétaux ; nous allons commencer par expliquer comment la séve monte et circule dans ces derniers.

Puisque les études les plus attentives n’ont fait découvrir dans le tissu végétal aucun appareil musculaire destiné à mettre les liquides en mouvement, il faut de toute nécessité que la circulation de ce liquide soit exclusivement réglée par le jeu des forces physiques et chimiques. Or nous savons que les corps solides exercent sur les substances liquides une attraction qu’on nomme moléculaire, parce qu’elle paraît s’exercer à des distances aussi petites que celles qui séparent les molécules elles-mêmes. Il convient donc de voir dans quelle mesure cette action peut influer sur le mouvement de la séve.

Lorsqu’on plonge un tube très fin dans de l’eau, on sait qu’elle y monte d’une certaine quantité, parce que les parois solides l’attirent, et comme le tissu d’un végétal offre dans toutes les directions des canaux très étroits, tout le monde a compris qu’il devait absorber et élever l’eau qui se trouve dans le sol ; mais cette explication générale soulève tout d’abord une objection : c’est que l’ascension de l’eau se limite toujours à une très petite hauteur dans les tubes les plus étroits, et qu’elle se produit dans les arbres jusqu’à leur