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quelle récompense Fuad-Pacha obtiendra de la Porte-Ottomane pour les succès qu’il a obtenus contre l’intervention européenne. Lord Dufferin voulait en faire un vice-roi de Syrie. Ce projet, qu’adoptait lord John Russell, a irrité la Porte et excité contre Fuad une jalousie qui pourra lui être fatale. Ce qui est certain, c’est que son délégué Abro-Effendi, qui avait été sur les rangs pour être nommé gouverneur chrétien du Liban, s’est vu préférer Daoud-Effendi. La Porte n’a pas voulu avoir dans le Liban un homme de Fuad-Pacha; elle a envoyé un fonctionnaire de Constantinople. Voilà le pauvre Abro-Effendi mal récompensé de son zèle.

Quels sont les deux points sur lesquels Fuad-Pacha a réduit la commission internationale à l’inefficacité? La commission voulait avoir une part de contrôle et de redressement dans les jugemens rendus contre les coupables des massacres; elle ne l’a eue qu’à peine. Elle voulait coopérer à la fixation de l’indemnité qu’il y avait lieu d’accorder aux chrétiens; c’est la Porte qui a fixé à Constantinople cette indemnité.

Je ne veux pas rechercher dans les diverses correspondances qui sont arrivées de Beyrouth pendant l’hiver de 1860-1861 quels étaient les procédés et les allures du tribunal extraordinaire turc siégeant à Beyrouth pour juger les auteurs des massacres de Syrie; je me borne aux témoignages de la commission internationale. Dès la première séance, le commissaire français, M. Béclard, demande si le colonel Hosni-bek, membre du tribunal extraordinaire de Beyrouth chargé de juger Kourshid-Pacha, gouverneur de Beyrouth pendant les massacres de Syrie, est le même officier qui commandait la garnison de Baalbek. Sur la réponse affirmative d’Abro-Effendi, qui assure d’ailleurs n’avoir pas connaissance des antécédens de Hosni-bek, le commissaire français fait observer que la présence de cet officier, contre lequel il existe des charges très graves à propos de sa conduite à Baalbek, que sa présence, dit-il, dans le tribunal extraordinaire de Beyrouth est au moins étrange[1]. Ainsi le premier soin de la commission internationale est d’empêcher que le tribunal de Beyrouth ne soit composé des complices des accusés. Le droit de surveillance et de contrôle sur les actes du tribunal extraordinaire de Beyrouth que revendique la commission est sans cesse contesté, et de plus fort difficile à exercer. Fuad-Pacha déclare, il est vrai, par la bouche de son délégué Abro-Effendi, que les membres de la commission peuvent assister aux séances du tribunal; mais il ajoute en même temps que les étrangers de distraction pourront également y assister, de telle sorte qu’il y a lieu de douter si les membres de la commission internationale assistent aux

  1. Documens anglais, p. 170, n° 163.