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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 juillet 1861.


Lorsqu’un pays n’est point activement et assidûment associé par ses institutions à la délibération et à la direction de ses affaires, il peut lui arriver d’apprendre sur son propre compte, par des voies étrangères, d’étranges nouvelles. La France vient d’éprouver l’autre jour une de ces bizarres surprises ; elle a été informée par un long débat de la chambre des communes qu’elle travaille sourdement à s’annexer l’île de Sardaigne. À coup sûr, si la France nourrit ce projet, elle ne s’en doute guère ; elle agit apparemment à la façon des somnambules, qui n’ont point conscience de ce qu’ils font dans leur sommeil magnétique. Ce qui est extraordinaire, c’est l’abondance des détails fournis par le membre de la chambre des communes qui a cru devoir interpeller à ce sujet le gouvernement anglais. C’est le surveillant jaloux de nos projets d’agrandissement, l’Argus auquel n’échappe aucun mouvement de notre diplomatie clandestine, c’est M. Kinglake en personne qui cette fois encore a voulu donner l’éveil à lord John Russell. Rien n’a manqué à l’ombrageux réquisitoire du spirituel auteur d’Eothen. Si quelque obscure feuille italienne a dénoncé la présence de prétendus agens français en Sardaigne, M. Kinglake connaît le nom de cette feuille, et a dans son dossier la correspondance accusatrice. Si notre grand homme d’action en fait d’annexion, M. le sénateur Pietri, qui est Corse sans doute, a passé le détroit de Bonifacio pour quelque visite de voisinage, M. Kinglake en a été aussitôt informé ; il en tient bonne note. Jamais procureur-général n’a su mieux grouper une multitude de menues circonstances et n’a été plus habile à les enchaîner par toute sorte de conjectures plausibles et d’ingénieuses Inductions pour en tirer une accusation formidable. Il n’est pas homme à se laisser déconcerter par les dénégations les plus formelles. M. Ricasoli a déclaré, avec l’énergie qui lui est propre, que jamais aucun pouce du sol italien ne serait cédé. Le bon billet t Le sol italien, pour le ministre de