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LA QUESTION ROMAINE.

Il ne resta dans le catholicisme politique et militant qu’un petit nombre d’esprits, nous allions dire de tempéramens, enclins au libéralisme. Cependant le prosélytisme religieux n’eut rien à perdre à la pratique des institutions libres. Ce qu’il put gagner en force morale sous le régime de 1830 est dans toutes les mémoires ; ce qu’il obtint sous la république frappe encore les yeux. La majorité du clergé et le gros du parti catholique eurent-ils la clairvoyance de leurs véritables intérêts ? comprirent-ils ce que leur rapportait la liberté politique ? Non, ils pourchassèrent jusqu’à la mort le gouvernement de 1830 et la république. Les institutions libérales avaient été surtout fécondes pour eux ; ils les virent briser avec une insultante joie. Tombant, à l’égard de la vérité politique, dans un scepticisme brutal, oubliant même le lien sacré qui unit la politique à la morale, ils affectèrent de ne chercher dans les diverses formes d’institutions que des expédiens à leur usage, et parmi ces expédiens ils eurent le triste courage de préférer avec ostentation ceux qui, dans leur espérance, paraissaient devoir leur assurer un facile triomphe en les affranchissant des labeurs qu’il faut soutenir et des blessures que l’on est exposé à recevoir dans les luttes à armes égales. Il y eut sans doute parmi les catholiques une petite élite qui ne se laissa point tenter aux séductions de la fortune : nous admettons qu’à mesure que l’expérience marchait et que les désenchantemens se sont succédé, ce groupe a dû progressivement s’accroître ; nous ne pensons point pourtant que cette épreuve ait ramené la masse du parti clérical à des sentimens plus justes envers la liberté. Nous ne serions pas surpris que le plus grand nombre dans ce parti n’en fût encore à compter pour relever ses affaires sur un évêque quelconque du dehors. Quoi qu’il en soit, il est aisé de comprendre le trouble et l’amertume que des erreurs de cette sorte ont dû jeter dans les jugemens portés par le parti clérical français sur la question italienne et sur la question romaine.

On voit assez que nous ne sommes point disposé à diminuer ou à travestir les mobiles qui dirigent le parti catholique dans la controverse où s’agite le sort du pouvoir temporel de la papauté. Nous reconnaissons la légitimité de ce qu’il y a d’essentiel dans cette opinion, à savoir le principe de l’indépendance du pouvoir spirituel. Nous ne méconnaissons pas ce qu’il y avait de plausible dans la garantie prêtée à l’indépendance du pouvoir spirituel par les attributs de la souveraineté temporelle tant que cette souveraineté était incontestée, et n’était point répudiée par ceux sur lesquels elle s’exerçait. Nous accordons que la question italienne et la question romaine, qui en est le suprême élément, ont été engagées d’une façon qui a pu mécontenter justement les catholiques fran-