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LA QUESTION ROMAINE.

ritoires et des cités ; il abandonnait le soin du spirituel ou n’y cherchait qu’un instrument pour son ambition et ses vengeances. La papauté, pour acquérir ce temporel que l’on représente aujourd’hui comme nécessaire à la prospérité de la foi, l’achetait par la perte du spirituel dans la moitié de l’Europe. Ce fut surtout en effet pour subvenir aux guerres dans lesquelles la possession et l’agrandissement de cette souveraineté politique avaient jeté ses prédécesseurs, ce fut pour payer les dettes léguées par ces guerres autant que pour défrayer ses somptuosités et les embellissemens de Rome, que Léon X fit prêcher la vente des indulgences et fournit le prétexte au schisme. Comment Clément VII travailla-t-il à en arrêter les progrès ? Pour défendre ses états contre les convoitises de Charles-Quint, il combattit les décrets de Spire, et contribua ainsi à donner au protestantisme une existence légale et politique. Plus tard, par haine contre Ferdinand d’Autriche, il s’allie aux protestans, qui forcent ce prince à signer la paix de Kaschau, et par sa faute la révolution protestante gagne le Palatinat, le Wurtemberg, la Poméranie et le Danemark. Charles-Quint précipite sur Rome Bourbon et ses lansquenets. Clément VII s’enferme au château Saint-Ange, puis se sauve à Orvieto. Il se ravise : il conclut à Bologne une alliance avec Charles-Quint. Cette alliance, dictée par la politique, coûte au catholicisme de nouveaux sacrifices. Quand il avait voulu entraîner Henri VIII dans la guerre contre l’empereur, Clément lui avait laissé espérer l’annulation de son mariage. Devenu l’allié de Charles-Quint, il la lui refuse, et jette dans l’hérésie, dont ce roi avait été un si ardent adversaire, Henri VIII et avec lui l’Angleterre. Voilà les avantages que le temporel a procurés au catholicisme, voilà les services que lui doit l’indépendance de l’église, voilà, aux débuts même de sa constitution moderne, les faits qui ont mérité de le rendre respectable et cher aux âmes pieuses !

On dira qu’il y a longtemps que les orages du XVIe siècle sont calmés, et que l’astuce et les violences de l’ambition politique ont déserté la tête et le cœur des papes. Pourtant dans les siècles qui ont suivi, à travers la médiocrité politique où les papes étaient tombés, il ne serait pas difficile de relever des actes de leur gouvernement qui sont en contradiction flagrante avec les principes de vérité morale que leur prétention, comme leur devoir, en qualité de chefs du catholicisme, est de représenter sur la terre. Au XVIIe siècle, par exemple, on sait la querelle qui s’engagea entre Louis XIV et Alexandre VII à propos de l’affaire des gardes corses et du duc de Créqui. Dans le traité de Pise, qu’il signa avec la France en 1664, Alexandre déclara lui-même atroce et détestable l’attentat dont se plaignait Louis XIV. Il chargea son neveu, le cardinal Chigi, de présenter au roi, avec