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ses excuses et son désaveu de cet acte, les professions « les plus humbles et les plus sincères de vénération, de révérence et de dévotion. » Aux paroles il ajouta des actes, des cessions de territoire : il abandonna les duchés de Castro et de Ronciglione. De telles déclarations, venant d’un pontife, devaient, ce semble, être tenues pour sincères. Cependant, dans le mois où il avait signé ce traité, le même pape déposait dans les archives du château Saint-Ange une longue protestation qui en était le désaveu. Le pape y alléguait les menaces dirigées contre son pouvoir temporel, ses efforts infructueux pour résister à ces menaces par ses ressources et celles de ses alliés ; placé sous cette contrainte, il s’était cru délié, et c’était l’avis de ses cardinaux, des obligations que lui imposaient les constitutions et les décrets de Pie V, d’Innocent IX et de Clément VIII, ainsi que les sermens conformes prêtés par lui à son avènement. Il déclarait en conséquence non valables les déclarations et les cessions consignées au traité ; il protestait devant Dieu et les glorieux apôtres Pierre et Paul de la nullité de tout ce qu’il avait accordé, stipulé, signé ! — C’est la fourberie de la faiblesse, dira-t-on devant l’hypocrisie de cette restriction mentale, de ce démenti porté en secret à une parole publiquement et solennellement donnée. Soit, et nous conviendrons que c’est là une peccadille de la papauté temporelle ; mais qu’est-ce qui imposait à celui qui occupait alors « la chaire de vérité » un mensonge aussi répugnant à l’esprit chrétien, si ce n’est la possession d’une souveraineté politique ?

C’est que le pouvoir temporel dans sa faiblesse ne fait pas moins de tort à la papauté religieuse et aux intérêts spirituels de l’église qu’il ne lui a fait de mal dans sa force. La faiblesse, en politique surtout, n’est pas toujours inoffensive. Les faibles ont des séductions particulières qui leur attirent les âmes généreuses, et nous ne nous dissimulons point le nombre et la qualité des sympathies que sa faiblesse présente attire à la papauté ; mais il faut se défendre contre cette illusion dangereuse, il faut savoir distinguer la débilité d’une institution, devenue une cause de malaise moral et de désordre politique, de l’infortune personnelle, digne de tout intérêt, des hommes sous lesquels l’institution condamnée tombe en ruine. C’est donc sans amertume et, nous l’espérons, sans injustice contre des personnes vénérables que nous oserons indiquer le mal moral que, par sa faiblesse même, la papauté politique a été amenée de nos jours à commettre, mal moral qui rejaillit partout contre les intérêts de l’église.

La papauté temporelle a été, dans sa force, trop italienne ; dans sa faiblesse, elle est devenue, par la nécessité de son intérêt politique, anti-italienne. Elle a fait comme toutes les institutions politiques qui