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LA QUESTION ROMAINE.

n’ont point la puissance de se transformer : voyant dans les transformations qui se préparaient et s’accomplissaient autour d’elle une menace pour son existence, elle y a résisté par tous les moyens, elle a ainsi augmenté et envenimé les antagonismes qui la cernaient et la pressaient de toutes parts. Elle s’est placée dans un état d’hostilité irréconciliable vis-à-vis de l’organisation politique et de la forme de civilisation auxquelles aspire l’Italie. Cette hostilité l’a condamnée en fait à ne se maintenir depuis quarante ans que par le secours de forces étrangères, par une sorte de vicariat militaire que l’Autriche et la France ont été, tour à tour ou simultanément, appelées à exercer auprès d’elle. Nous ne nous arrêterons point à répéter ce qui a été tant de fois démontré à propos de ces occupations étrangères qui frappent réellement d’inanité la fiction du pouvoir temporel. Il nous suffira de prouver, par un petit nombre de faits, comment la papauté, devenue besoigneuse de secours étrangers, a pu être amenée à subordonner l’intérêt religieux du catholicisme à l’intérêt politique de sa précaire conservation.

Un exemple remarquable de cette subordination d’un véritable intérêt religieux à un douteux intérêt politique se rencontre au début du pontificat de Grégoire XVI. En 1831, des mouvemens insurrectionnels avaient éclaté dans les Romagnes et dans les Marches. À la même époque, la Pologne s’était soulevée contre la Russie, et la lutte était encore douteuse. L’Autriche désirait intervenir dans les états de l’église pour y comprimer l’insurrection ; mais retenue par le principe de non-intervention que la France de 1830 avait proclamé, elle voulait, avant de rien entreprendre de décisif et de s’exposer à une guerre contre la France, s’assurer du concours actif de la Russie. Le tsar Nicolas donna en effet cette garantie à l’Autriche ; mais qui paya le prix d’une alliance qui permettait à l’Autriche d’intervenir au profit du pape, souverain politique ? Ce fut le pape, chef de la religion. On se rappelle la fameuse allocution de Grégoire XVI contre toutes les libertés modernes et sa triste encyclique aux évêques polonais, où la nationalité d’un peuple catholique, son patriotisme, son courage, son héroïque infortune, étaient sacrifiés au tsar Nicolas, au chef du schisme oriental, à l’acharné persécuteur des catholiques. Cette fatale complaisance enleva bientôt au catholicisme des millions de Grecs-unis, de Ruthènes, qui, sous la pression de l’empereur Nicolas, passèrent au schisme.

Un tel fait suffit pour montrer quelles cruelles blessures l’obstination du pouvoir temporel jointe à sa faiblesse peut faire aux plus manifestes intérêts religieux du catholicisme. Nous voudrions nous arrêter là : il nous en coûterait de chercher des faits analogues dans