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REVUE DES DEUX MONDES.

Durand, à Coqueret.

Pourquoi lui parles-tu tout bas ? (À Louise.) Qu’est-ce qu’il te disait ?

Louise.

Rien, monsieur, des bêtises !

Coqueret.

Ah ! non, monsieur, c’était pas des bêtises ! Je lui disais d’embrasser monsieur. C’était pour faire plaisir à monsieur ! Vrai !

Durand

Non ! elle a raison d’être plus réservée, plus sérieuse dans ses manières, à présent qu’elle est grande.

Coqueret.

C’est donc ça qu’elle ne veut plus que je l’embrasse, moi ? Mais avec monsieur, qui est âgé, c’est pas la même chose.

Durand.

Âgé,… âgé !…

Louise.

Voyons, monsieur, mettez-vous donc à votre aise ! (À Coqueret.) Va lui chercher sa veste et ses pantoufles. (Coqueret sort en courant par la porte de droite qui conduit à la chambre de M. Durand.)


Scène VI.

DURAND, LOUISE.
Louise.

Si vous êtes venu de la ville à pied, vous devez être las !

Durand.

Las, moi ? Ah çà ! M. Coqueret, ton élève, t’a donc persuadé que je suis bien vieux ?

Louise.

Vous n’êtes pas vieux, mais vous n’êtes plus tout jeune. Et votre vilain rhume que vous ne voulez pas soigner ! Vous avez déjà toussé trois fois depuis trois minutes.

Durand.

Bah ! qu’est-ce que ça fait ? Avec un petit mal chronique, on vit cinquante ans de plus ! Voyons, qu’as-tu fait de bon en mon absence ? Tu t’es faite l’institutrice de Coqueret, à ce qu’il m’a dit ?

Louise.

Ah ! il vous a dit…

Durand.

Que tu l’avais entrepris sur le granit ; mais c’est peine perdue : tu n’en feras jamais rien qu’un âne.