Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/827

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
825
LE PAVÉ.

droit vers la rivière… Monsieur ! rappelez-le, pardonnez-lui !… (Criant.) Jean ! reviens !… Monsieur te pardonne, Jean !… Il ne m’écoute pas !… Ah ! ce n’est pas possible de le laisser faire ! (Elle sort en courant.)


Scène XVII.

durand, seul.

Elle en est folle, la maudite créature ! folle de ce nigaud, de cet écervelé, de ce manant !… J’ai eu beau m’en moquer, le rabaisser à ses yeux, l’humilier devant elle : il est jeune, il est beau garçon, et cela suffit ! Elle l’aime parce qu’il a vingt ans, parce que, le premier, il a osé lui parler d’amour ! Elle l’aime parce que cela me révolte ! oui, par esprit de contradiction, pour me faire souffrir, pour me désespérer !… Pourtant si c’était seulement de la bonté, de la pitié… J’ai eu un accès de violence… Certes je lui ai fait peur… (Regardant par la fenêtre.) Ah ! les voilà qui reviennent, il la suit comme un chien… Ils ne se parlent pas… Elle le ramène ici ! Quoi ! je vais le voir, lui parler ?… Non, je ne peux pas, je le hais, ce misérable !… Les voilà qui s’arrêtent,… ils causent ensemble… Que peuvent-ils se dire ? Peut-être se moquent-ils de moi… Malheur à eux, s’ils s’entendent pour exploiter ma faiblesse !… Si je pouvais surprendre… Non, ils entrent dans la maison ;… mais de ma chambre… j’écouterai, oui ! J’entendrai peut-être ce qu’ils diront ici, et s’ils ont l’audace de me railler,… eh bien ! je les tuerai tous les deux !… Ah ! c’est horrible !… Non ! je… je ne sais pas ce que je ferai. J’ai envie de me tuer tout de suite pour me préserver de la démence… (Il sort par la porte de droite en emportant son fusil d’un air égaré. Louise et Coqueret entrent par la porte du fond.)


Scène XVIII.

LOUISE, COQUERET.
Louise.

Voyons, entre, n’aie pas peur, remets-toi… Il n’est pas là… Ne lui montre pas ta peine, parle-lui honnêtement, et surtout ne pleure pas, car de te voir pleurer, ça me fait perdre la tête, je ne sais plus ce que je dis ni ce que je fais !… Laisse-moi arranger tout cela du mieux que je pourrai.

Coqueret.

Tu ne peux rien arranger, puisque tu me hais !