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Son écorce blanche et lisse, ses feuilles d’un vert tendre, le font reconnaître au loin, et l’ombre épaisse dont il couvre le sol y étouffe toutes les herbes parasites. Le sapin se présente avec sa tige droite et élancée, son feuillage toujours vert; mais les rameaux, régulièrement disposés sur le tronc, obéissent à une loi inflexible et donnent à tous les arbres un aspect uniforme qui empêche qu’on ne les distingue les uns des autres. Il y a beaucoup plus de fantaisie dans les bois à feuilles caduques où chaque individu obéit en quelque sorte à sa propre inspiration. Toute forêt enfin a une physionomie propre, mobile, mais qui change à toute heure du jour, à toute saison de l’année. Cependant ce n’est là encore qu’un spectacle tout à fait superficiel. Pour qui sait en pénétrer les secrets, une forêt est un monde tout entier dans lequel on retrouve l’échelle complète des êtres organisés, depuis le plus parfait et le dernier venu jusqu’à celui dont la constitution rudimentaire trahit les premiers efforts de la création. La vie animale, qui s’y manifeste sous les formes les plus diverses, diffère essentiellement de celle que nous observons autour de nous. Vivant en liberté avec l’instinct que la nature leur a donné, les animaux qu’on y rencontre n’y sont soumis qu’à une loi, celle qui règle la propagation des espèces de manière à maintenir entre elles un équilibre nécessaire. Ils naissent et meurent sans avoir subi l’action de l’homme; mais ils n’en doivent pas moins être en sa puissance, car, suivant les usages auxquels ils sont propres, les substances dont ils se nourrissent, ils sont pour lui ou de précieux auxiliaires ou des ennemis dont il doit se débarrasser sans pitié. Un grand nombre d’entre eux d’ailleurs vivent aux dépens des arbres et exercent par conséquent sur la végétation des forêts une influence qu’il faut connaître quand on s’occupe de sylviculture.


I.

De tous les habitans des bois, les moins utiles à l’homme sont à coup sûr les insectes. Ils ont cependant, comme le fait remarquer M. Michelet, un rôle à jouer, et tiennent leur place dans l’harmonie générale. S’attaquant de préférence à tout ce qui est chétif et malingre, ils suppriment la maladie, précipitent la mort et accélèrent le retour de la vie; ils dissèquent les cadavres et purgent l’atmosphère des miasmes fétides qu’y répandrait la décomposition des corps organisés. Malheureusement ils ne s’en tiennent pas là, et avec une implacable voracité ils s’en prennent, faute de mieux, aux êtres pleins de vie. Chacune de leurs innombrables espèces a son jour et sa saison, chacune sa plante ou son animal, et si la multi-