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par conséquent le danger est le plus à craindre, qu’on a étudié avec le plus de soin les procédés à employer à cet effet[1]. C’est pour les forestiers allemands une branche de la sylviculture qui trouve sa place dans tous leurs ouvrages spéciaux ; elle est même considérée par eux comme si importante, qu’elle est en permanence à l’ordre du jour dans les congrès forestiers qui se réunissent tous les ans. Chacun vient y communiquer les observations qu’il a pu faire dans les localités qu’il habite, indiquer les moyens qui lui réussissent le mieux pour lutter contre le mal. Lorsqu’un procédé nouveau est signalé, c’est une bonne fortune que s’empressent de répandre tous les recueils agricoles et forestiers du pays.

Pour défendre les plantations de pins contre les hylobes, les forestiers allemands les entourent de fagots de broussailles dans lesquels ces insectes viennent pondre leurs œufs, et qu’ils brûlent ensuite. Ils détruisent les chenilles, soit en faisant récolter les œufs, soit en les écrasant au moment de l’éclosion ; ils vont même, quand ces moyens n’ont pas réussi, jusqu’à enduire les arbres de goudron pour empêcher les chenilles d’y monter, ou creuser des fossés remplis d’eau pour isoler les cantons infestés. Quand une invasion est à ses débuts, on peut ainsi en triompher ; mais quand elle a une fois acquis un certain développement, tout devient inutile ; il est trop tard d’ailleurs pour empêcher le mal, et la nature seule peut rétablir l’équilibre. C’est elle qui arrête alors la multiplication excessive des insectes par la multiplication plus grande encore du nombre de leurs ennemis. Le remède suit une progression plus rapide même que le mal, quand l’homme ne vient pas entraver l’action de la nature.

Ces ennemis sont nombreux et se rencontrent dans toutes les classes animales. Celle des insectes elle-même en fournit un certain nombre qui, essentiellement carnivores, se nourrissent des espèces herbivores : tels sont les scarabées, qui grimpent jusque sur les arbres pour y chercher leur proie, les libellules, qui chassent au vol les petits papillons, les fourmis, et surtout les ichneumons. Ceux-ci, connus aussi sous le nom de mouches vibrantes, sont essentiellement parasites ; ils pondent leurs œufs dans le dos même des chenilles,

  1. M. de Tschudi, dans un ouvrage récent intitulée les Insectes nuisibles et les Oiseaux, rapporte que près de Torgau on a dépensé depuis plusieurs années plus de 25,000 thalers pour détruire les chenilles dans la forêt d’Annabourg, et que néanmoins il a fallu abattre 9,372 journaux de bois. En 1837, dans les forêts de Stettin, les noctuelles dépouillèrent de leurs feuilles tous les sapins sur une étendue de 800 arpens, et l’on dépensa plus de 1,000 thalers pour détruire 94 millions de ces insectes. Les chenilles de la noctuelle piniperde dévastèrent en deux années un septième de toutes les forêts de l’état. En Franconie, les chenilles du lasiocampe en 1839 dévorèrent 2,200 arpens de forêts malgré ce qu’on fit pour les détruire. On réussit mieux dans les forêts de Stralsund, où vers 1840 on fit ramasser 633 millions d’œufs du même insecte.