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concéder aux populations riveraines de leurs forêts les bois de feu et de charpente qui leur sont nécessaires. En supprimant tous les privilèges féodaux, la nuit du 4 août fit rentrer la chasse dans le droit commun. Aujourd’hui chacun peut s’y adonner en se conformant aux prescriptions de la loi, et moyennant un permis simple mesure fiscale, chasser pendant une certaine partie de l’année sur ses propriétés et sur celles de l’état ou des communes qui lui ont été louées pour cet usage. Mise en adjudication dans les forêts domaniales et concédée au plus haut enchérisseur, la chasse n’est pour l’état qu’une source de revenu dont l’importance se mesure à la somme qu’elle rapporte. À ce titre, elle se place bien après les coupes de bois, qui produisent cent fois plus[1]. Elle est devenue une chose secondaire aux yeux de l’administration des forêts, qui, préoccupée sans cesse d’accroître et d’améliorer la production ligneuse; se borne à veiller à l’exécution de la loi et à empêcher le braconnage, sans rien faire pour augmenter ni propager le gibier. Il n’en est pas de même en Allemagne, où la chasse est au contraire une des branches du service forestier.

Les privilèges féodaux, supprimés en France dès 1789, se sont maintenus dans la plupart des états de l’Allemagne jusqu’en 1848. Jusqu’à ce moment, les seigneurs ont continué à exercer le droit qu’ils s’étaient arrogé de chasser sur les terres des paysans, sans jamais leur payer aucune indemnité pour les dégâts qu’ils leur causaient, ou les dommages que le gibier faisait subir à leurs récoltes. Ils étaient si jaloux de leurs prérogatives qu’ils refusèrent toujours de les abandonner volontairement. Le souffle démocratique, qui, partant de la France, fit alors le tour de l’Europe, put seul mettre fin à des abus que nous avons peine à comprendre aujourd’hui. Cette année 1848 fut pour l’Allemagne une véritable nuit du 4 août, et des lois sur la chasse y furent promulguées dans presque tous les états. A voir l’empressement que mirent les peuples à les exiger dès leur première heure de liberté, on peut se rendre compte de l’impatience avec laquelle ils supportaient ces privilèges oppressifs d’une autre époque ; mais la réaction politique qui ne tarda pas à se produire se fit également sentir sur ce point, et quelques-unes des concessions que le pouvoir avait été obligé de faire dans le premier moment furent retirées dès 1850[2].

  1. Le produit annuel de l’amodiation de la chasse dans les forêts domaniales est d’environ 300,000 francs; celui des coupes de bois, de plus de 30 millions.
  2. En Bavière par exemple, aux termes de la loi du 20 mai 1850, le droit de chasse est toujours un corollaire du droit de propriété, comme il l’était dans la loi de 1848; mais ce droit ne peut être exercé par le propriétaire lui-même que dans les circonstances suivantes : 1° dans les jardins et parcs attenant immédiatement aux habitations, 2° sur les pièces de terre entourées d’une clôture pleine, 3° sur les propriétés qui ont au moins 240 arpens (environ 80 hectares) en plaine et 400 arpens (130 hectares en montagne, 4° enfin sur les lacs et étangs d’au moins 50 arpens (16 hectares). Dans tous les autres cas, le droit de chasse passe du propriétaire à la commune, qui le met en location au profit de la caisse municipale. La commune d’ailleurs est responsable des dégâts commis par le gibier.