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et le Pacifique, semble aux émigrans sévère et froide plus qu’elle ne l’est en réalité ; le bruit de l’or n’y a pas pour eux un attrait aussi entraînant que plus au sud ou dans l’Australie.

Il ne faut pas croire cependant que cette région reste inoccupée ; dans l’île de Quadra-et-Vancouver aussi bien que sur les cours d’eau aurifères, la vie européenne se substitue à la vie sauvage, et à côté des Anglais les Chinois apportent là, comme sur tout coin de terre où il y a des bénéfices à réaliser, le contingent de leur immigration compacte et laborieuse. Au point de vue de la situation géographique, ce pays a pour l’Angleterre une grande importance : il lui donne un pied, à côté des États-Unis, sur le Pacifique ; il se relie, à travers les Montagnes-Rocheuses, à leurs belles possessions du Canada ; on parle d’établir un chemin le long des lacs qui mette en communication, par l’Ontario, l’Érié, le Michigan, le Winnipeg, Montréal avec New-Westminster et Victoria de Vancouver. Enfin il se fait là en ce moment un travail nouveau ; une conquête de l’homme s’y accomplit sur la nature sauvage, et c’est à ce titre surtout que la Colombie anglaise et Vancouver méritent pour un moment de nous arrêter.


I.

Les visiteurs de ces côtes disent qu’un spectacle plein de grandeur et de nouveauté frappe les yeux du voyageur qui pénètre de l’ouest à l’est, entre les deux phares dressés sur le sol anglais et sur le sol américain, dans le détroit Juan de Fuca, au sud de l’île Quadra-et-Vancouver. À droite s’étend le territoire Washington, sillonné par une haute chaîne de montagnes neigeuses, du sein desquelles se dresse un pic auquel des souvenirs classiques transportés sur cette terre lointaine ont valu le nom de Mont-Olympe. Les pentes descendent souvent jusqu’à la mer, et quelquefois elles s’en éloignent de quelques milles ; elles sont coupées de vallées vertes et profondes qui revêtent, sous le jeu du soleil et des nuages, les aspects les plus variés. À gauche, l’île Vancouver semble comparativement basse, bien que plusieurs de ses pics soient encore en juin chargés de neige ; en avant s’ouvre le golfe George, tout semé d’îles verdoyantes. Dans un enfoncement apparaît sur le territoire de la Colombie anglaise la chaîne des monts Cascade, dominée par le sommet étincelant du Baker, haut de 3,500 mètres, et qui, en 1853, a vomi des flammes. Des bois s’étendent à perte de vue : les pins, sur le penchant des hauteurs, enferment les plaines dans leurs sombres verdures, les chênes, les érables, mêlent leurs feuillages, tandis que des saules, des peupliers, bordent les lacs de leurs luxu-