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rians ombrages. Les cris d’un nombre infini d’oiseaux aquatiques éveillent les échos, et l’homme lui-même anime de son activité cette nature forte et primitive : des steamers courent de la pointe sud-est de Vancouver à l’embouchure de la rivière Frazer, et des barques chargées d’Indiens à la peau rouge, zébrée de peintures, frappent en cadence de leurs pagaies l’eau paisible du golfe.

Il y a deux cent soixante ans, alors que l’on commençait à chercher ce passage nord-ouest sur le chemin duquel tant de marins ont depuis trouvé la mort, le navigateur Juan de Fuca, en pénétrant dans le détroit qui a pris son nom, crut avoir du premier coup résolu ce grand problème. Il se trompait ; mais voici que les Anglais prétendent aujourd’hui changer en vérité son erreur : au lieu des routes impraticables et glacées de la mer du pôle, ils proposent au commerce, comme voie de transit de l’Atlantique au Pacifique, cette longue ligne des lacs canadiens dont nous avons déjà parlé et sur laquelle il faudra revenir. La principale cause qui peut, suivant eux, déterminer le commerce à préférer ce chemin, c’est la parfaite sécurité qu’offrent le détroit et ce golfe George dans lequel il débouche. :

De San-Francisco aux régions glacées de l’Amérique russe, sur cette longue partie de la côte du Pacifique, il n’existe pas de bons ports : celui de Humboldt, au-dessus de San-Francisco, vers le 42e degré de latitude nord, est vaste et paisible à l’intérieur ; mais une forte houle et une ligne de brisans, qui s’étend au loin dans l’ouest, en rendent l’accès des plus périlleux. De même l’entrée du grand fleuve Colombie, avec sa terrible barre, est l’effroi des marins. Au contraire, dans l’intérieur du détroit de Juan et du golfe qui lui fait suite, les espaces libres, les ports profonds et sûrs n’ont à redouter que les brouillards de l’hiver et l’épaisse fumée qui s’élève des forêts où les Indiens mettent le feu en automne. Port San-Juan, Sook-Basin, Beecher-Bay, les ports Victoria et Esquimalt peuvent donner asile à un nombre indéfini de navires. Ce dernier, à cause de son étendue et de sa sécurité, a été désigné par le gouvernement comme dépôt naval du Pacifique, et tout le long de cette côte privilégiée s’étendent de vastes espaces d’une terre fertile et propre aux grandes cultures.

La Colombie anglaise, telle que les limites en ont été fixées par les derniers traités avec les États-Unis, s’étend sur le vaste territoire que la géographie avait coutume d’appeler Nouvelle-Calédonie, de l’embouchure du Frazer à l’Amérique russe, entre les 49e et 56e degrés de latitude nord environ. En largeur, elle va de la Rivière-Rouge et des Montagnes-Rocheuses au Pacifique ; sa superficie est plus que double de celle de la Grande-Bretagne, et l’île de Quadra-et-Vancou-