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sante ; on défriche les espaces couverts de pins en y portant le feu. Les chênes sont généralement de qualité inférieure ; les bouleaux, les ifs, les genévriers croissent pêle-mêle avec les érables, les peupliers, les sorbiers, offrant des ressources immenses à la charpente et à la mâture des vaisseaux.

L’île de Vancouver a des races de moutons-mérinos remarquables ; le petit bétail espagnol, les beaux bœufs Durham, importés en Californie, sont remontés de là jusque sur le Frazer. On trouve aussi une race indigène de chevaux excellens pour la selle et durs à la fatigue, mais très difficiles à dresser aux voitures. Qu’on ajoute à ces avantages les ressources de la pêche, de la chasse, des exploitations aurifères, de la houille : tout cela constitue une riche contrée ; il faut voir maintenant comment l’homme s’est installé au sein de cette libérale nature.

La population comporte trois élémens très inégaux en nombre : les indigènes, les Chinois et les Européens. Les premiers, que l’on évalue à 80,000 à l’ouest des Montagnes-Rocheuses, à environ 10,000 dans Vancouver, appartiennent à la race rouge et se rattachent, par leurs dialectes aussi bien que par les traits du visage, aux tribus qui peuplent la partie septentrionale du continent américain. Les notions relatives à leurs habitudes, à leur état social, à leurs croyances, sont encore incomplètes et incertaines. Quelques voyageurs les ont très sévèrement jugés, prétendant qu’ils sont déformés par l’habitude d’aplatir les crânes des enfans, peu sociables et parfois anthropophages. Aucun fait à la connaissance des Européens leurs voisins n’est venu confirmer cette dernière assertion. Il est certain qu’ils ont, depuis une haute antiquité, l’habitude de presser le crâne de leurs enfans, puisqu’une de leurs tribus, sur la Colombie, porte le nom de Têtes-Plates. Toutefois cet usage ne paraît pas être commun à tous les indigènes, et on en voit autour des établissemens anglais un grand nombre aux traits réguliers, à la physionomie intelligente ; ils font preuve de vigueur et d’adresse, et beaucoup réussissent à imiter certains produits de l’industrie européenne. Dans l’état tout à fait sauvage, au pied des Montagnes-Rocheuses et sur la Haute-Colombie, ils ont conservé leurs habitudes nomades, vivant de chasse et de pêche, échangeant des fourrures contre des fusils et de l’eau-de-vie. Leurs tribus ont des chefs militaires souvent en guerre, et qui ont, comme les autres peaux-rouges, l’habitude de scalper leurs ennemis. Ils ne prennent généralement qu’une femme, bien que la polygamie ni le divorce ne leur semblent interdits, et, comme tous les sauvages, ils croient à de bons et à de mauvais esprits ; leurs prêtres sont en même temps leurs médecins.

Quelques-uns d’entre eux ont pris dans le voisinage des établis-