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semens européens des habitudes sédentaires et bâti de petits villages formés de huttes à toits plats ou coniques. Ceux-ci se livrent à quelques cultures, louent leurs services dans les fermes, et même travaillent dans Vancouver aux mines de houille. Vers 1857, les indigènes de cette île entrèrent en lutte contre les Anglais; un blanc ayant été tué à la baie de Cowichin, vers la pointe sud-est de l’île, le gouverneur se saisit de deux indigènes et les fit pendre. De là des représailles et des hostilités qui sont apaisées aujourd’hui. Il n’est pas inutile cependant que les Anglais se tiennent sur leurs gardes. Là comme dans toutes leurs autres colonies, ils ne sont pas sympathiques aux indigènes. L’esprit anglo-saxon, exclusif et dur, prend peu de souci des races étrangères ; déjà, au contact des nouveaux occupans du sol, les naturels de la Colombie anglaise reculent et s’effacent; les comités de colonisation admettent, comme un fait auquel on voudrait en vain s’opposer, la disparition future des peaux-rouges devant l’invasion blanche. Ces malheureux en effet s’abrutissent avec l’eau-de-vie. Cependant on a formé une société de protection pour les aborigènes, ouvert des églises, des écoles, quelques missionnaires ont même pénétré jusque sur les bords de la Rivière-Rouge; mais tout cela est froid, triste, dénué de bienveillance cordiale et de charité réelle. Les immigrans n’ont guère qu’un souci, l’occupation du sol, l’exploitation de ses produits. A l’égard des indigènes, ils se tiennent quittes au prix de quelques phrases de compassion banale et de quelques institutions qui ne sont pas en harmonie avec les habitudes, le caractère et le goût du peuple qu’ils se sont soumis.

Les Chinois sont plus heureux : immigrans comme les Européens et plus passagers qu’eux, ils ont l’avantage de demeurer indifférens à leur inimitié et à leurs mépris. La seule chose qu’ils demandent, c’est une place, fut-ce la plus restreinte et la dernière. Du moment qu’on les a accueillis, armés d’une indomptable persévérance, prêts à tous les labeurs, préservés des influences étrangères par l’isolement, ils travaillent sans relâche et entassent leurs profits jusqu’à ce que leur ambition de fortune soit satisfaite. Alors, munis d’un pécule péniblement amassé, quelquefois traînant avec eux le cercueil d’un parent ou d’un ami, ils regagnent les rivages de la Terre-Fleurie. La Colombie anglaise est des régions aurifères celle qui jusqu’ici accueille le mieux ces égoïstes auxiliaires; elle a besoin de bras, et trouve en eux des domestiques actifs, des industriels ingénieux et variés. Quoique fort sales de leur personne, ce sont eux qui monopolisent le blanchissage partout où ils s’établissent. En Californie, leur nombre montait, dans ces dernières années, à 50,000 environ. Là on les déteste et on les maltraite; des restrictions leur sont au-