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rent dans Adélaïde et dans la Nouvelle-Zélande demander à un sol fécond et bien arrosé les ressources plus durables et plus sûres qu’il accorde au travail persévérant et régulier de l’agriculteur. Ainsi s’est formée une classe de colons munis d’un capital qui s’élève quelquefois à 50 ou 60,000 francs; ils bâtissent des fermes, entretiennent de nombreux troupeaux, introduisent dans les pays fertiles où ils se sont fixés toutes les améliorations de la culture.

La Colombie et Vancouver, bien que la première de ces colonies possède aussi des mines d’or, s’ouvrent à cette classe particulière de sages colons qui, mieux que les exploiteurs de mines et les spéculateurs de terrains, paraissent appelés à faire la force et la prospérité de la colonisation anglaise, et c’est dans cette voie surtout que l’Angleterre doit pousser ses émigrans. Les contrées tropicales semblent moins lui convenir que les régions plus sévères qui s’étendent, comme le Canada et la Colombie, vers le nord. La race anglo-saxonne a éprouvé combien les régions du tropique étaient, même pour elle, pleines de péril; vers le nord au contraire, elle trouve une source abondante et irréprochable de richesses dans la culture du sol, dans la conquête de pays longtemps incultes et sauvages. La vie y est plus calme, sans y manquer d’intérêt et de charme. Dans ces régions, la nature se plaît aussi à déployer sa magnificence : ces vastes forêts de chênes et d’érables, ces sombres couronnes de sapins, avec leurs verdures au ton foncé et un peu triste, ont leur charme et leur grandeur. La terre, plus rebelle, rappelle à l’homme les devoirs sérieux de l’existence; mais, si elle lui rend plus rude l’accomplissement de sa tâche, elle entretient sa vigueur. Là il ne s’est pas avili en substituant à son travail celui de l’esclave. Au souffle âpre et vivifiant des montagnes et de la mer, il ne s’endort pas dans l’indolence où souvent les hommes des tropiques énervent leurs facultés, et si la nature est moins facile, moins spontanée, si elle exige plus d’efforts, en revanche elle trouve devant elle des adversaires plus robustes et mieux préparés.


ALFRED JACOBS.