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trini à Florence, nous ne pénétrerons point jusque dans le détail le génie de ces deux éloquens témoins de la renaissance; mais les volumes déjà publiés de Guichardin[1], en nous révélant sa pensée intime, suffisent à nous montrer comment en lui l’historien a été préparé par le raisonneur et le politique du XVIe siècle. Ce n’est pas sans réflexion ni calcul, ni même sans un certain combat intérieur qu’il a atteint le sang-froid dont il fait preuve dans sa grande Histoire d’Italie. Ses œuvres inédites nous révèlent cette lutte et nous offrent ainsi l’attachant intérêt d’un double spectacle, à la fois politique et moral.

De concert avec les comtes Pierre et Louis Guichardin, restés en possession des manuscrits de leur illustre aïeul, M. Canestrini fit paraître en 1857 un premier volume des Œuvres inédites contenant des Considérations sur les discours de Machiavel concernant la première décade de Tite-Live, des Maximes (Ricordi) politiques et civiles et des Discours politiques. L’année suivante, il donna un second volume, qui comprenait un Dialogue sur le gouvernement de Florence et des Discours sur les changemens et réformes du gouvernement florentin. Un troisième volume enfin, qui parut en 1859, était occupé tout entier par une Histoire de Florence (Storia fiorentina), dont jamais personne n’avait entendu parler. De tous ces ouvrages, on ne connaissait absolument qu’un certain nombre de Ricordi publiés pendant le XVIe siècle, si épris des compositions de ce genre. Les événemens récens de l’Italie ont seuls empêché les éditeurs die faire paraître en 1860 le quatrième volume, qui doit comprendre les ambassades (legazioni) de Guichardin. On a peine cependant à imaginer, ce semble, une lecture plus instructive et plus piquante à la fois en ce moment même. La carrière publique de Guichardin a été singulièrement active. Au dehors, il a eu à défendre la politique italienne en face de princes jaloux et rusés ; au dedans, il a administré les Romagnes, toujours révoltées contre le gouvernement pontifical, et il a eu occasion d’étudier les conditions particulières de ce gouvernement. Il est permis de penser que les avertissemens de son expérience ne seraient pas sans intérêt pour l’Italie dans son œuvre présente de régénération.

Les esprits tels que Guichardin, dans un temps agité et fécond comme le XVIe siècle, sont avant tout d’habiles et fins observateurs. L’observation et l’expérience d’un grand nombre de phénomènes politiques et moraux, avant d’ébranler chez ces hommes doués d’une vive intelligence les opinions dogmatiques, ont aiguisé en eux l’hu-

  1. On n’a publié de Machiavel qu’un premier volume, contenant, des écrits d’administration militaire.