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duire le mouvement dans le fer, n’hésite pas à le douer d’une âme.

C’est dans l’école pythagoricienne qu’on peut remarquer un premier effort vers ce qu’on pourrait nommer l’analyse de l’âme ; elle tenta d’opérer la classification des fonctions et des attributs. Pythagore distinguait l’âme raisonnable, éternelle, issue de l’âme universelle, harmonie servant d’écho à l’harmonie générale du monde, d’une autre âme déraisonnable et éphémère. Anaxagore sépara nettement l’âme sensitive et l’âme raisonnable, il en douait les animaux comme les hommes ; seulement l’âme raisonnable, unie à un corps d’animal, restait condamnée à l’infériorité. Dans ce système, on le voit, c’est le corps qui achève l’âme et en limite le développement. Épicure accordait encore moins à la force spirituelle, il ne reconnaissait pas la distinction entre l’âme sensitive et l’âme raisonnable ; mais son analyse eut pour effet de mieux approfondir les phénomènes de la sensibilité. Ce fut lui qui pressentit la distinction si bien établie par la physiologie moderne entre la vie animale proprement dite et la vie végétative.

Platon sacrifia sans hésiter la matière à l’esprit : comparant l’âme à un pilote dont le corps serait le vaisseau, il proclama que leur union est une violence momentanée et la mort une délivrance, doctrine au moins séduisante et idéale. Bien que Platon vît dans l’âme un principe unique et éternel, il y distingua trois fonctions, la sensibilité, le désir et la raison. Les deux premières ne sont en jeu que pendant le court mariage de l’âme avec la matière ; une fois affranchie, l’âme cesse d’être sensitive et appétitive, et elle ne trouve l’immortalité que dans la raison.

Aristote ne reconnut pas l’indépendance complète de l’âme et du corps comme avait fait Platon ; il ne creusa pas, comme celui-ci, un abîme entre les deux substances. Il regardait surtout l’âme comme une force, comme un principe d’activité ; suivant lui, l’âme n’est pas le corps, mais elle ne peut exister sans le corps, de même qu’il ne saurait y avoir de pesanteur sans corps pesans, de lumière sans corps lumineux. Cette doctrine peut être interprétée au profit de plus d’une théorie ; l’antiquité et les stoïciens principalement la poussèrent jusqu’au matérialisme, les philosophes chrétiens cherchèrent à la réconcilier avec le spiritualisme. Toutefois le spiritualisme des pères de l’église fait à la matière une bien plus large place que le spiritualisme moderne ; il abandonne au corps non-seulement la sensibilité, mais encore le sens commun, la mémoire, une espèce de jugement : il ne réserve que la raison la plus subtile à l’animus immortel. Saint Thomas, l’ange de l’école, avait, pour prendre le mot de Pascal, reconnu bien des droits à la bête ; il trouvait mauvais que Platon, dans son sublime dédain, eût prétendu que la destinée de l’âme était, non pas d’être unie avec le corps,