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pire, dans la puissance duquel la Hongrie trouve de son côté une partie de son prestige en Europe. Il nous paraîtrait si utile à la cause libérale européenne qu’un gouvernement parlementaire pût s’établir en Autriche, que malgré les fautes commises, malgré la dissolution de la diète de Pesth, nous voudrions espérer encore que la rupture entre l’empereur d’Autriche et la Hongrie pourra être évitée. Nous croyons que l’empereur François-Joseph est entré avec sincérité dans les voies du gouvernement libéral et parlementaire ; mais la droiture des intentions, si elle commande le respect, ne suffit point toujours pour atteindre au succès. Il faut souvent y joindre l’esprit et la bonhomie. Il y a des temps où il faut savoir dénouer une situation en disant que Paris vaut bien une messe. Nous souhaitons que l’empereur d’Autriche n’ait point laissé échapper une de ces occasions qui réclament l’union d’une inspiration heureuse à un véritable esprit de justice.

La Pologne et la Hongrie sont aujourd’hui les deux grandes scènes où s’engage la lutte des nationalités. Ce phénomène du réveil des revendications des franchises nationales se montre aussi dans des régions plus éloignées et moins exposées aux regards de l’Europe. Il y aurait de l’injustice à dédaigner ces petits théâtres où l’on s’agite aussi au nom du droit. Nous signalerons donc en passant le mouvement d’opinion qui se produit en Finlande. Quand la grande principauté de Finlande passa sous la suzeraineté russe, le traité de Frederikshamn, en 1809, lui garantit la conservation de ses lois et de sa constitution. Le principal organe de cette constitution, qui est la même que celle de la Suède, est la diète, composée des députés des quatre ordres. Sans cette diète, nulle réforme et nulle loi importante ne peuvent être légales. Cependant le gouvernement russe n’a pas convoqué une seule fois en cinquante ans la diète finlandaise. De là un double malheur : point de réformes dans un pays où le commerce, l’industrie, et à certains égards l’esprit public ont cependant suivi les progrès du siècle, et, s’il y a eu nécessairement quelques lois nouvelles, une violation ouverte du droit. Telle était depuis cinquante ans la situation, quand un manifeste impérial, daté du 21 mars (10 avril) 1861, institua une commission qui devait se réunir le 20 janvier 1882, avec certaines attributions administratives et le droit de préparer les lois. Les projets de cette commission, approuvés par l’empereur, devaient même avoir force de loi jusqu’à la diète prochaine. Les Finlandais protestent contre cette création nouvelle. Dans les villes, dans les campagnes, on signe des adresses à l’empereur. On se plaint de la commission projetée, et parce qu’elle empiéterait sur les fonctions du sénat, et parce qu’elle usurperait, en faisant des lois, les droits des états-généraux, que l’on craint, pour tout dire, de ne voir pas plus convoqués à l’avenir qu’ils ne l’ont été depuis l’annexion. Les Finlandais d’ailleurs rendent justice à l’empereur Alexandre ; ils accusent surtout leur conseil de gouvernement, composé de nationaux, il est vrai, mais d’hommes imbus des erremens de l’ancien gouvernement russe, et qu’intimide la perspective d’une diète à la-