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mais il ne leur prète ni la diversité ni l’individualité. Aussi a-t-il aimé et réussi à composer des tableaux d’un seul personnage. Quoique son exécution soit assez simple, sa composition est un peu théâtrale. Il poursuit l’effet moral à la manière des peintres modernes, un peu comme Ary Scheffer, quoique par d’autres procédés. C’est du reste un artiste qui a toujours cherché, et on a pu le voir outrer le naturel comme le Caravage, ou, poursuivant la beauté abstraite dans quelque tête antique, telle que la Niobé, la reproduire sur la toile par des glacis argentés qui dépassent à peine la couleur du marbre. Le Guide est cependant un peintre qui plaît, surtout aux personnes lettrées et classiques. J’admire beaucoup à Bologne son Samson, qui semble l’ouvrage d’un coloriste. Son Christ, Cristo de’ Capucini, est cette figure douloureuse qu’il a souvent répétée, mais jamais mieux que cette fois. Sa Pieta est singulièrement composée. La Vierge pleurant sur le corps de son fils est séparée, comme par la coupe d’un plancher, des saints protecteurs de Bologne. On voit au fond cette ville à vol d’oiseau, et l’on comprend qu’il s’agit d’un ouvrage commandé par la municipalité. Il y a de la couleur et de l’harmonie dans ce tableau fort admiré. Le Massacre des Innocens, plus critiqué, sent le théâtre; mais, comme le théâtre, il émeut.

L’Albane quitte à Bologne ses sujets et ses proportions. Ses tableaux religieux, grands comme nature ou plus grands, ne sont pas d’un dessin bien noble ni bien sûr, mais ils plaisent par la composition et la couleur, et je les préfère à ses éternels amoretti. Il faut citer du Guerchin son Guillaume, duc d’Aquitaine, recevant l’habit religieux de la main de saint Félix en présence de la Vierge, de saint Jacques et de saint Philippe. Là brillent tous ses moyens d’effet sans l’exagération qui les dépare souvent, et la vigueur du pinceau n’a rien ôté à l’harmonie. Bolonais comme lui, comme lui élève des Carraches, Domenico Zampieri a mieux réussi que lui dans sa mort de saint Pierre; mais si à Rome, dans sa communion de saint Jérôme, il rappelle Augustin Carrache en même temps qu’il le surpasse, ici son saint Pierre martyr, venu après celui de Titien, en fait trop souvenir, et ne le fait pas assez oublier. Regardez sa sainte Agnès et sa Madone du rosaire, toutes deux si bien peintes, la première mieux composée, la seconde plus riche en beautés, et vous soupçonnerez ce grand peintre d’avoir plus d’exécution que d’originalité.

Après avoir retenu si longtemps le lecteur dans une galerie de tableaux, comment le conduire maintenant dans cette multitude d’églises qui remplissent Bologne? Il faut cependant lui parler au moins de Saint-Etienne. C’est le nom d’un groupe de sept églises qui se touchent et se pénètrent. Celle du centre doit être comptée parmi les édifices circulaires, et, comme de toute rotonde ancienne,