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cadence depuis onze cents ans, peut être encore la cité où, parmi les ruines des deux empires et des royautés gothiques, s’élèvent dans une vétusté majestueuse les plus purs monumens de l’église chrétienne à l’âge où, délivrée à peine des persécutions, elle put régner à son tour et à son tour persécuter.

C’est ici que, pour nous entendre dans la description de ce que nous avons vu, il nous faudrait faire un cours de basiliques, car toute notre architecture sacrée pourrait bien venir de là. Parmi les différences qui séparent assez communément les édifices de l’antiquité classique de nos édifices modernes, il en est une qui saute aux yeux : c’est que l’entrée et par conséquent la façade, dans les premiers, sont du petit côté, et du grand dans les seconds. Le plan d’un bâtiment étant rarement une figure dont tous les diamètres sont égaux d’une face à l’autre, comme le cercle ou le carré, est d’ordinaire un parallélogramme, et pour prendre des exemples fort connus, les Tuileries ou les Invalides s’ouvrent au centre de leur largeur présentée de face au spectateur, tandis que la porte du Parthénon ou de la Maison-Carrée figure à l’extrémité de leur longueur sur leur face la plus ornée. Cette dernière disposition pourrait presque être regardée comme fondamentale. Un carré long ouvert par un de ses petits côtés et recevant le jour par cette ouverture et par une autre pratiquée dans le toit, voilà l’édifice antique le plus usité, et ce mode de construction, qui pourrait tout aussi bien servir à une grange qu’à un temple, est l’essence de la basilique. Il ne faut pas prendre à la lettre ce nom, qui ferait passer pour des cours royales les nombreux édifices qui s’élevaient avec cette forme en Grèce et dans tout le monde romain. Des vers de Plaute prouvent que ce nom était familièrement usité en pleine république, et que plus de deux cents ans avant Vitruve la basilique était annexée au forum. On ne sait guère comment ce nom avait été appliqué à des locaux qui n’avaient de royal que leur destination officielle, et qui servaient surtout de bourse et de tribunal. Il se comprend mieux lorsqu’aux temps les plus brillans de l’empire il se donne à un édifice quadrilatéral entouré de tous ses accessoires, d’un péristyle, d’un atrium, d’un ou de plusieurs portiques, et même accompagné de colonnes isolées, de fontaines, de théâtres. C’est en ce sens qu’on dit à Rome la basilique de Trajan ou celle de Maxence ; mais enfin, dans l’histoire de l’art, le même nom convient à cet édifice souvent fort simple que j’ai décrit et qui peut être indifféremment un temple, un tribunal, une bourse, une salle d’élections ou de délibération politique ou municipale. Au fond se tenait le personnage qui, à un titre quelconque, présidait à la réunion. Derrière lui, le mur pouvait se creuser en niche semi-circulaire, et dans cet hémicycle se dressait le siège ou la plate-forme d’où l’on pouvait dominer l’assemblée. Le