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symbolique que l’art chrétien préférait originairement à la traduction directe et matérielle des récits sacrés, et dont même il n’a jamais fait le complet abandon. Plus bas, dans une prairie plantée d’arbres, Apollinaire élevant les bras est environné de quinze brebis qui figurent le troupeau des chrétiens. Les murs inférieurs portent l’image de quatre évêques de Ravenne, chacun sous un dais, entourés de draperies et de flambeaux, et dans l’attitude de la bénédiction. Enfin sur les parois latérales sont représentés en grand, là les sacrifices d’Abel, de Melchisedech et d’Abraham, ici la concession de privilèges à l’église de Ravenne, ou, selon d’autres, la consécration de l’église par saint Maximien.

Rien mieux que ces compositions ne prouve que la peinture d’histoire dans les églises est née de l’art du mosaïste, et cet art, venu de l’empire d’Orient, porte encore ici la trace de son origine. Quand l’église fut décorée, c’est-à-dire au temps de l’exarchat, Ravenne était devenue plus byzantine qu’italienne, et l’on veut voir jusque dans le style religieux de ces peintures une opposition à la primauté de Rome. Il se peut, mais l’histoire de l’art suffit pour expliquer leur caractère byzantin; encore même n’y retrouve-t-on pas toute la raideur, toute la sécheresse de l’école d’où elles sont venues. Quoique le dessin soit faible, l’exécution soignée n’est pas sans quelque liberté, et les draperies ont quelque largeur. Le paysage, les animaux, sont plus conventionnels que réels. On regarde les trois sacrifices comme ce qu’il y a de mieux. Les trois personnages bibliques ont du caractère; cependant il paraît que, dans toutes ces compositions, certaines figures, conçues d’après un type admis, doivent être regardées comme de simples répétitions. Il y a plus d’originalité et par suite plus d’inhabileté dans la peinture du côté gauche, où, suivant les uns, Constantin Pogonat, Héraclius et Tibère, suivant les autres, Justinien avec ses officiers, sortent de leur palais, la tête couronnée d’un nimbe, pour recevoir l’archevêque de Ravenne accompagné de quatre prêtres. Un d’eux porte un rouleau où se lit en lettres rouges : Privilegia. Au-dessus de l’archivolte de la tribune, une série nouvelle de mosaïques un peu fanées montre sur un fond bleu une demi-figure du Christ entouré des emblèmes des quatre évangélistes. Au-delà, six brebis de chaque côté (les douze apôtres) sortent en deux files de Bethléem et de Jérusalem; puis un palmier s’élève à chaque extrémité, symbole de la Palestine ou de la victoire; enfin au-dessous les anges Gabriel et Michel agitent chacun le labarum et se drapent dans un manteau de pourpre. Ces figures ont quelque chose de l’art antique; mais ces mosaïques n’ont pas l’éclat de celles de la coquille du sanctuaire. On ne peut cependant sans un vif intérêt contempler dans