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et des lacs poissonneux pourraient attirer et fixer les Indiens. Il serait même possible d’établir un port dans ces parages, affranchis du prororoca, ce terrible heurt entre les ondes de l’Amazone, les vagues de la mer et les vents alizés, qui désole les terres les plus voisines du Cap-Nord.

Ainsi fermée de toutes parts aux entreprises du commerce, qui assurent, mieux que celles de l’agriculture, les débuts d’une colonisation, la Guyane n’a point vu s’élever sur ses rivages une de ces villes maritimes dont l’influence réagit énergiquement sur l’économie de toute une contrée. Cayenne n’a jamais réuni dans ses murs plus de cinq mille habitans, tandis que Paramaribo, capitale de la Guyane hollandaise, en a compté plus de vingt mille, et Démérari, capitale de la Guyane anglaise, plus de vingt-cinq mille. Si une part de cette supériorité revient au génie colonisateur de la Hollande et de l’Angleterre, une part plus grande doit être faite aux conditions naturelles : des terres de culture plus rapprochées les unes des autres, une moindre distance des îles anglaises et hollandaises, points d’appui dans la mer des Antilles, et surtout des fleuves mieux disposés pour la navigation et le commerce. Tout en confessant que la Guyane française n’est pas une de ces terres bénies du ciel où la population humaine n’a qu’à poser le pied pour prendre racine et prospérer, ne dissimulons pas, même pour pallier nos fautes, les compensations que la destinée lui assure. Elle possède une vaste étendue de terres vierges, fertiles, propres à toutes les cultures tropicales. Elle n’est point sous la menace permanente des ouragans qui dévastent les Antilles ; les ras de marée et les tremblemens de terre y sont très rares et inoffensifs. La fièvre jaune, ce terrible fléau qui ravage le Mexique et la Louisiane au nord, le Brésil au sud, ne fait à Cayenne que de lointaines apparitions. L’absence de tout grand port écarte de cette ville les flottes ennemies. La Guyane peut donc consacrer à la production des forces que beaucoup de colonies sont condamnées à dépenser en fortifications et en armemens, ou à réparer des désastres sans cesse renouvelés. L’examen de ses ressources naturelles va montrer que, dans la carrière économique, elle peut rivaliser avec les plus heureux établissemens par le nombre, l’importance et la variété des produits.


II. — RESSOURCES AGRICOLES ET INDUSTRIELLES. — DENRÉES D’EXPORTATION, LE BOIS, L’OR.

Toute l’économie rurale de la Guyane se rapporte aux trois divisions naturelles du sol : les terres hautes, les terres basses, les savanes.

Les terres hautes, qui sont les prolongemens du massif monta-