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tons rouges de divers degrés. La chimie moderne en a extrait et concentré le principe sous les noms de bixine et demi-bixine. En 1726, la colonie comptait 86 rocoueries ; elle en a aujourd’hui 300 malgré des oscillations de prix qui varient entre un maximum de 5 ou 6 fr. le kilogramme et un minimum de 50 ou 80 centimes : à 1 franc 50 centimes, la rémunération est encourageante. Quand la baisse est trop forte, on suspend les travaux d’entretien, on néglige la récolte, sauf à recommencer les années suivantes quand les cours s’améliorent, ce qui ne tarde guère, la Guyane française étant à peu près le seul pays qui fournisse à l’Europe le 5 ou 600,000 kilogr. de rocou qui s’y consomment. Un ou deux ans d’intermittence rétablissent les prix, et c’est grâce à ce privilège que depuis deux siècles le rocou se maintient dans la colonie en faveur croissante. Quoiqu’il réussisse dans les terres hautes, il donne ses plus belles récoltes après les hivers pluvieux ; il brave les variations de température ; il est peu attaqué par les insectes ; il produit au bout de dix-huit ou vingt mois, et dure quinze ou vingt ans. Le rocouyer, on le voit, constitue une ressource de quelque valeur pour la Guyane : aussi la population lui reste-t-elle fidèle malgré toutes les amorces de l’administration locale pour l’attirer à d’autres cultures, et l’année 1857 a vu une exportation de 582,000 kilogrammes de rocou donner un revenu brut et net supérieur à celui du sucre. Le rendement par hectare, qui est en moyenne de 300 kilogrammes, s’élève jusqu’à 900 dans les terres le plus propices, comme celles du quartier de Kaw. Si l’on pouvait étendre l’emploi industriel de cette matière colorante, nul encouragement ne serait plus favorable à la moyenne culture. Une usine à vapeur existe à Cayenne pour la trituration de la graine de rocou, et d’autres ne tarderaient pas à s’établir, pour peu que le développement de la consommation encourageât la production.

Dans le cours du XVIIIe siècle, le caféier, le cacaoyer, le cotonnier, vinrent multiplier les élémens de l’agriculture guyanaise : le premier, importé de Surinam vers 1716 ; le second, croissant spontanément dans l’intérieur du pays, où il forme de véritables bois, mais adopté seulement en 1728 ; le troisième, emprunté aux sauvages on ne sait à quelle époque précise. Ce furent trois utiles innovations qui, pendant plus d’un siècle, accrurent les revenus de la Guyane, où le caféier et le cacaoyer se maintiennent encore avec quelque succès. Le caféier croît à merveille dans les terres hautes ; cependant la préférence des colons se tourne vers le cacaoyer, qui porte, comme son rival, ses premières gousses à quatre ou cinq ans, est en plein rapport à sept ou huit, et dure une quarantaine d’années, beaucoup plus longtemps que le caféier. Celui-ci succomberait sous