Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 35.djvu/668

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— C’est la vérité, dit Hullin. Marc Divès et moi, nous croyions à une attaque du Falkenstein ; nous ne pensions jamais que l’ennemi songerait à le bloquer comme une place forte. Nous nous sommes trompés !…

— Et qu’allons-nous faire ? demanda Catherine toute pâle.

— Nous allons réduire la ration de chacun à la moitié. Si dans quinze jours Marc n’arrive pas, nous n’aurons plus rien… Alors nous verrons !

Ce disant, Hullin, Catherine et les contrebandiers, la tête inclinée, reprirent le chemin de la brèche. Ils mettaient le pied sur la pente, lorsqu’à trente pas au-dessous d’eux apparut Materne, qui grimpait tout essoufflé dans les décombres et s’accrochait aux broussailles pour aller plus vite. — Un officier autrichien, dit-il, s’avance sur le mur du vieux burg avec un petit drapeau blanc ; il a l’air de vouloir nous parler.

Hullin, se dirigeant aussitôt vers la pente de la roche, vit en effet un Autrichien debout sur le mur, et qui semblait attendre qu’on lui fit signe de monter. Il était à deux portées de carabine ; plus loin stationnaient cinq ou six Croates. Après avoir inspecté ce groupe, Jean-Claude se retourna et dit : — C’est un parlementaire qui vient sans doute nous sommer de rendre la place.

— Qu’on lui tire un coup de fusil ! s’écria Catherine ; c’est tout ce que nous avons de mieux à lui répondre.

Tous les autres paraissaient du même avis, excepté Hullin, qui, sans faire aucune observation, descendit à la terrasse où se trouvait le reste des partisans. — Mes enfans, dit Hullin, l’ennemi nous envoie un parlementaire. Nous ne savons pas ce qu’il nous veut. Je suppose que c’est une sommation de mettre bas les armes, mais il est possible que ce soit autre chose. Frantz et Kasper vont aller à sa rencontre ; ils lui banderont les yeux au pied de la roche et ramèneront ici.

Personne n’ayant d’objection à faire, les fils de Materne passèrent leur carabine en sautoir et s’éloignèrent sous la voûte en spirale. Au bout de dix minutes environ, les deux grands chasseurs roux arrivèrent près de l’officier ; il y eut une rapide conférence entre eux, après quoi tous les trois se mirent à grimper au Falkenstein. À mesure que montait la petite troupe, on distinguait mieux l’uniforme du parlementaire et même sa physionomie : c’était un homme maigre, aux cheveux blond cendré, à la taille bien prise, aux mouvemens résolus. Au bas de la roche, Frantz et Kasper lui bandèrent les yeux, et bientôt on entendit leurs pas sous la voûte. Jean-Claude, allant à leur rencontre, dénoua lui-même le mouchoir, en disant :

— Vous désirez me communiquer quelque chose, monsieur ? Je vous écoute.