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poussière rouge orangé du rubigo vera, vulgairement nommé rouille du froment.

L’habile directeur de la ferme de Grignon reconnut dans cette affection spéciale la principale cause qui réduisait à 20 ou 22 hectolitres de grain par hectare la récolte que dans les derniers jours de juin il avait évaluée, d’après la belle apparence des blés, à 35 hectolitres. Bien qu’un certain nombre de grandes exploitations aient été à l’abri des atteintes du mal, tout annonce maintenant que le déficit sur l’ensemble des récoltes de 1861 abaissera le rendement total au niveau des années moyennes, probablement même un peu au-dessous, au lieu de l’abondante production sur laquelle d’abord on avait cru pouvoir compter[1]. Une certaine compensation nous est du moins acquise aujourd’hui que nous savons, à n’en pouvoir douter, depuis la rentrée totale de la moisson, combien le blé de 1861, récolté heureusement dans d’excellentes conditions, sera plus sec, plus pesant et de plus facile conservation que les produits obtenus en 1860[2].

En exposant ces faits, nous ne croyons pas sortir de notre sujet, car nous voulions surtout faire remarquer qu’en certaines localités les influences du drainage auraient pu prévenir en grande partie les préjudiciables effets des intempéries de l’année 1861, si l’assainissement des terres se fût généralisé en France, où, sur 12 millions d’hectares, on en compte à peine 150,000 assainis. Le drainage eût égoutté le terrain avant les gelées intenses, et mis ainsi obstacle au rapide abaissement de la température comme au soulèvement de la terre par la congélation de l’eau. Plus tard il eût empêché le fendillement des terres argileuses par la sécheresse, et prévenu en dernier lieu la coïncidence de l’humidité extrême avec les fortes chaleurs estivales, coïncidence fâcheuse qui provoque le développement extraordinaire des cryptogames parasites. Cette dernière cause n’a pu d’ailleurs étendre que tardivement sa funeste influence sur les champs

  1. Déjà, supputant les chances probables d’une élévation dans le cours des grains, le commerce, débarrassé d’ailleurs des entraves qu’opposait naguère à son action l’instabilité des tarifs dits de l’échelle mobile, s’est fort activement occupé de combler le déficit, et dans le cours d’un seul mois, en août 1861, les quantités de blés et de farines importés en excédant des exportations dépassent pour la France 103 millions de kilogrammes. Aussi sous cette influence une baisse notable a-t-elle eu lieu sur la plupart de nos marchés après une première hausse, due sans doute à des appréciations exagérées.
  2. Nous aurions à noter encore une compensation importante d’un autre ordre, si nous entreprenions d’établir ici combien les chaleurs prolongées de la dernière saison estivale et les pluies douces survenues à temps ont été favorables à la maturité du raisin et ont préparé une juste réputation aux vins de France qui dateront de l’année des comètes de 1861.