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« Ne sois point si prompt, mon esprit, à te décourager. Examine plus à fond. Tu ne connais pas l’essence de Dieu ; mais s’ensuit-il que tu ne puisses rien connaître de lui ? D’où vient que tu ne connais pas son essence ? C’est qu’elle est incommunicable ; mais tout en Dieu est-il incommunicable ? Il est évident que non, car tu es, tu penses, tu aimes, tu agis. Et la pensée, la vie, l’activité, l’amour, sont partout répandus autour de toi. Dieu n’est donc pas resté en lui-même, enseveli dans le mystère de son essence ; Dieu s’est manifesté. Dieu s’est communiqué. Pourquoi ? comment ? Tu l’ignores, mais le fait est certain : l’univers est là. Il y a donc en Dieu quelque chose d’incommunicable, savoir l’essence de son être, et il y a aussi quelque chose de communicable, savoir les puissances de son être, la pensée, l’amour, la joie, la vie »

À mesure que l’auteur, sur ces degrés de la vie, s’avance de principes en principes, et construit philosophiquement l’édifice de sa théodicée, des adversaires infatigables s’efforcent de détruire son œuvre. Aujourd’hui c’est un disciple de Kant, demain ce sera un adepte de Spinoza. Ici c’est William Hamilton, là c’est un critique hégélien. Leurs armes sont terribles, et ils savent les manier en maîtres. Rude épreuve pour le philosophe que de bâtir son monument au milieu de ces continuels assauts, sans parler des difficultés internes du sujet et des objections qu’il s’adresse à lui-même ! M. Saisset tient tête à tous les périls, et c’est vraiment un viril spectacle que nous présente cette lutte. Notez bien que, loin d’affaiblir les argumens de ses contradicteurs, il en double peut-être la force par la précision de son langage. On sent là un esprit loyal et qui a foi dans les vérités qui le soutiennent. Soit qu’il fasse parler le scepticisme avec sir William Hamilton, soit qu’il mette en scène le panthéisme hégélien aiguisé par la critique française, il expose leurs objections comme s’il était chargé lui-même de les faire triompher. Patience, la vérité a son tour. Ces objections si loyalement présentées, ou bien il les met en pièces avec une dialectique supérieure, ou bien il les écarte comme des fantômes en faisant éclater dans les domaines de l’abstraction la lumière de la vie. La plus chaleureuse préoccupation des dangers qui nous entourent anime sa polémique. Bien que M. Saisset évite de citer les noms propres, on reconnaît aisément les adversaires qu’il combat. Ce brillant critique, ce virtuose admirable qui, malgré toute son originalité, s’inspire à la fois de Kant, de Hegel et de sir William Hamilton, est réfuté avec autant de force que de convenance. Ces panthéistes qui mettent tant d’esprit et d’art au service des théories allemandes ne se plaindront pas d’avoir rencontré un antagoniste incapable de les comprendre. Vaincus par le spiritualiste français, ils sont traités avec