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et ne réfléchissent que les verts. Si une fleur est rouge, c’est qu’elle ne renvoie que les rayons rouges. Par conséquent l’on peut dire qu’un corps n’est coloré qu’autant qu’il est éclairé et qu’il peut décomposer la lumière qu’il reçoit. Aux derniers jours de l’automne, lorsque les feuilles des arbres rougissent ou jaunissent, c’est que la nature intime de leur substance, la disposition de leurs fibres, présentent à la lumière des modifications qui déterminent des effets différens. Il en est de même de tous les corps. Ainsi les riches couleurs de ces coquilles nacrées ne sont dues qu’à la forme de leur surface, qui est striée et ondée par lignes excessivement serrées ; ces rayures, en brisant le rayon lumineux, déterminent l’irisation et les tons d’opale qu’on y admire. Il est aisé d’en acquérir la preuve en prenant avec une cire noire très fine l’empreinte de la coquille ; la cire, en adoptant cette forme, se trouve soumise aux mêmes effets. Les élytres ou fourreaux de certains insectes, leur carapace, grâce à des surfaces rayées, cannelées ou moirées, brillent des diverses nuances de l’arc-en-ciel. Les reflets métalliques des plumes de paon, des pigeons et des oiseaux-mouches, ainsi que des papillons, nous offrent d’admirables exemples des décompositions de la lumière. L’examen de toutes ces variétés serait une intéressante étude, car on n’a pas encore découvert la texture qui réfléchit telle ou telle couleur. Des observations assidues sur l’étoffe des fleurs, suivant qu’elles se modifient à chaque heure de leur courte existence, feront sans doute reconnaître un jour cette loi de coloration spéciale qui produit tant de nuances dans la même texture, suivant ses inclinaisons, ses inégalités, ses rétractions et dilatations, ses hachures droites ou croisées, enfin suivant l’âge de cette trame qui, dans les végétaux aussi bien que dans les animaux, vit, se développe et meurt. Choisissez une fleur du ton le plus uni, observez-la à toutes les heures du jour, suivez-la dans son développement, soit que la trame se contracte ou se relâche, qu’elle soit veloutée, satinée, striée, terne ou polie, selon ses plis, sa courbure, son exposition au soleil, et vous serez étonné de voir par combien de tons dans le même accord, par combien de modulations elle passera. Les fleurs sont des tissus merveilleusement disposés pour recevoir et décomposer le spectre solaire ; on peut dire que c’est la toile sur laquelle le soleil combine ses nuances. Les Orientaux n’oublient jamais dans leurs étoffes cette observation de la texture des plantes, cette disposition de leurs nuances, ces modulations de la couleur, qui permettent de passer d’un ton à un autre ton sans secousse et sans dureté, si opposés qu’ils soient. Dans la nature, il faut en outre tenir compte de l’épaisseur de l’air qui estompe les ensembles et fait vivre pour ainsi dire la couleur, car on sait que toute substance qui éclaire produit des vibrations de l’éther,