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Banat ; on rencontre les Magyars à l’ouest, sur la rive droite de la Theiss ; les Serbes ne forment une agglomération très marquée que sur la rive droite du Danube, dans les deux districts de Syrmie. Il y a trois points sur lesquels les Allemands sont en majorité, c’est l’ancien comitat de la Témes, et plus loin, vers l’ouest, les comitats de Torontala et de Bacs ; on les trouve d’ailleurs presque partout, non-seulement isolés, mais occupant des hameaux, des villages, des bourgs, au milieu même des populations étrangères. Les Bulgares habitent les cercles de Kraszova, Jabolcsa et Lupak ; ce sont peut-être les seuls points où le mélange des races ne se soit pas introduit. Quant aux autres peuples dont nous parlions tout à l’heure, on ne saurait leur assigner une résidence distincte ; ils sont disséminés d’un bout à l’autre du Banat.

Le gouvernement du Banat est une espèce de petite vice-royauté despotique et bureaucratique, contrôlée de loin par la bureaucratie viennoise. Le chef de l’état ou du moins le dépositaire de l’autorité est un gouverneur militaire revêtu de tous les pouvoirs civils. Il y a bien autour de lui des assemblées qui prennent part aux affaires : le gouverneur a son conseil aulique, son conseil d’état ; mais s’il doit les consulter, il n’est nullement tenu de leur obéir. Lui seul a le droit de décider pour tout ce qui intéresse le gouvernement de la province. Ce pouvoir n’est effectif que dans les centres principaux, à Temesvar par exemple ou dans les chefs-lieux des districts les plus importans. En réalité, le gouvernement appartient à la légion des administrateurs en sous-ordre. Une des plaies de toute centralisation excessive, c’est qu’elle multiplie les petits despotes. Singulier retour des choses humaines ! établie surtout pour anéantir les derniers vestiges du monde féodal, c’est-à-dire pour délivrer les états des tyranneaux d’autrefois et substituer le droit commun au privilège, la centralisation, dès que ce principe est poussé à l’excès, produit des inconvéniens analogues à ceux qu’elle a été chargée de détruire. Le bureaucrate est le maître d’un petit empire où règlemens et lois, librement interprétés, se plient sans peine à ses caprices. Il est surveillé, dit-on ; mais peut-il l’être sans cesse et de près ? Et d’ailleurs qui surveille le surveillant ? Si l’inspecteur prend sa tâche au sérieux, combien de fraudes déjoueront sa vigilance ! Le plus souvent il s’accommodera aux mœurs générales, et sa prétendue surveillance sera une complicité. On retrouve ces scandales dans tous les états où s’est développé le despotisme d’une centralisation sans limites ; à force d’étendre au loin ses conquêtes, de mettre la main sur toute chose, de ne rien laisser à la libre action des communes et des populations indigènes, elle crée nécessairement une armée de despotes subalternes, contre lesquels, malgré